Il n’y aura finalement pas grand-chose à se mettre sous la dent à l’issue du sommet pour un nouveau Pacte financier mondial, dont les travaux ont été clôturés ce vendredi à Paris, dans la capitale française. C’est à croire que ce rendez-vous entre le Sud et le Nord a accouché d’une souris. En tout cas, le miracle escompté par d’aucuns n’a eu lieu.
Il y a tout juste eu quelques promesses et effets d’annonce. Comme l’appel du dirigeant du pays hôte, Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat français a souhaité une mobilisation internationale autour de son pays pour financer la transition climatique tant sollicitée par ses homologues du Sud pour limiter les effets du réchauffement de notre planète.
Taxation sur les billets d’avion et le transport maritime
La France, on le sait, est régulièrement citée parmi les plus grandes puissances industrielles et donc parmi les plus grands pollueurs de la planète en termes de production de gaz à effet de serre. Elle est citée au même titre que les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l’Allemagne etc.
Toutefois, le président français se réjouit que son pays soit la seule de toutes ces nations qui, à date, consent plus d’efforts dans la mise en œuvre de quelques-unes des résolutions arrêtées au fil des multiples éditions de la Conférence mondiale sur le climat, dont la dernière édition s’est tenue fin 2022 dans la cité balnéaire de Charm-el-Cheikh, en Égypte sous le nom de la COP 27. Il a affirmé que la France applique les taxations internationales sur les transactions financières notamment sur le billet d’avion, même s’il n’a pas précisé de détail chiffré.
Aussi Emmanuel Macron a-t-il appelé les autres nations à emboîter le pas à son pays.
Il faut une taxation sur les billets d’avion. On le fait en France. Qui d’autre le fait ? Ça ne marche pas quand on le fait tout seul,
a déploré le chef de l’Etat français en rappelant que ce sacrifice de la France a un prix aussi bien pour les voyageurs que pour les compagnies aériennes. Le président Macron s’exprimait lors d’une interview accordée à nos confrères de France 24 et de RFI, en marge dudit sommet. Le locataire de l’Elysée a souhaité que les « Européens du Nord », mais aussi la Chine, rendent cette taxe applicable dans leurs pays respectifs.
Le deuxième secteur concerné par cette taxation internationale est celui du transport maritime. Le président français regrette qu’elle ne soit pas effective à ce jour dans les pays pollueurs et supposés être « payeurs ». « Le secteur des transports maritimes n’est pas du tout taxé », a-t-il relevé.
Droits de tirage spéciaux
La seule annonce chiffrée faite par l’hôte du sommet concerne le droit de tirage spécial (DTS) du Fonds monétaire international (FMI). Cet actif de réserve international constitue les intérêts qui complète les autres actifs de réserve de chaque pays membre siégeant au FMI. Ils sont calculés et alloués aux Etats qui peuvent ensuite les redistribuer à leur guise.
Les pays du Nord s’en tirent généralement avec la part du lion. Ce sont donc ces intérêts que la France, par la bouche de son président, veut réallouer aux pays pauvres qui n’ont pas de moyens pour lutter contre les effets du changement climatique dont les pays pollueurs sont responsables. La France va réallouer 40% de ses DTS, soit le double de ce qu’elle avait promis en 2021. Sauf qu’il ne s’agit là encore que d’une promesse, même si le dirigeant gaulois parle « du concret ».
Il y a deux ans pourtant, les pays riches promettaient une enveloppe de 100 milliards de dollars de DTS au profit des pays pauvres sous la forme de réallocation. Ces promesses n’ont toujours pas été concrétisées à ce jour. Tout comme les 100 milliards pour constituer le Fonds climat. Le président Macron propose qu’un rapport soit élaboré d’ici à la COP28 sur ce sujet, tout comme un mécanisme de suivi « avec une méthode pragmatique ».
Il est également souhaité un réaménagement du fonctionnement des banques multilatérales de développement afin qu’elles puissent libérer jusqu’à 200 milliards de dollars de financement supplémentaire. Engagée dans un processus de modernisation, la Banque Mondiale propose, quant à elle, une nouvelle boite à outils comprenant, entre autres, un instrument de suspension de la dette en cas de crise.
Sénégal et Zambie
L’un des grands – et rares – bénéficiaires de cette grand-messe est la Zambie. En cessation de paiement depuis 2020, ce pays de l’Afrique australe a bénéficié d’une annulation de sa dette par ses principaux bailleurs de fonds, au rang desquels la Chine. A en croire les médias zambiens relayés par nos confrères de Radio France International, la directrice générale du FMI, la Bulgare Kristalina Georgieva a appelé le président de ce pays membre de l’organisation de Bretton Woods pour le féliciter en ces termes :
Vous ne rembourserez pas votre dette !
La décision d’annulation ne fait cependant pas l’unanimité.
Tout en étant favorable aux restructurations, la France souhaite plutôt trouver un cadre commun avec la Chine. Son président l’a relevé au cours de son interview, évoquant plutôt le financement de la dette et le dispositif de soutien.
Emmanuel Macron souhaite que pour chaque euro prêté par la Banque Mondiale, le secteur privé investisse en euros, ce qui aurait pour effet d’amortir les risques de l’investissement. Le président français prenait ainsi le contrepied du président de la transition tchadienne, Mahamat Idriss Déby.
A l’ouverture du sommet, jeudi, le président tchadien a plaidé en faveur d’une suppression de la dette des pays africains pour compenser les dégâts énormes causés par les dérèglements climatiques. Son « homologue » Macky Sall peut se frotter les mains. Il regagne son pays avec, dans ses valises, la promesse de 2,5 milliards d’euros pour aider le Sénégal à réduire sa dépendance aux énergies fossiles.
Le Sénégal va exploiter son gaz et son pétrole offshores
Les dirigeants d’une quarantaine de pays, chefs d’Etat et de gouvernement confondus, dont 21 Africains, étaient réunis à Paris autour de la problématique de la « lutte contre la pauvreté et pour le climat ». Le « consensus » évoqué par le président français pendant et au terme des travaux, comme pour s’en vanter, a tout l’air d’une déclaration de façade.
La preuve, aucun calendrier de mise en œuvre des promesses n’a été publié. C’est certainement ce qui explique la déception du Brésilien Lula Da Silva, qui a fustigé le système financier mondial actuel, non sans s’offusquer contre l’hégémonie du dollar.
Au final, le consensus tient à l’adéquation entre la lutte contre la pauvreté et l’exploitation des ressources naturelles. « On ne doit mettre personne en situation de choisir entre la pauvreté, le climat et la biodiversité.
C’est impossible. Et donc ce qui ne va pas c’est quand on donne le sentiment en quelque sorte qu’on donne des leçons : ‘‘vous n’avez pas droit de développer tel projet parce qu’il n’est pas bon pour la planète’’. C’est tout le débat par exemple qu’il y a eu en Afrique.
On est très transparent sur la question du gaz. (…) Le Sénégal ne doit pas renoncer à exploiter son gaz, parce que le gaz est une énergie de transition et on sait que la planète en aura encore besoin pendant des décennies », a-t-il souligné.
600 millions d’Africains n’ont pas d’électricité
C’est ce qui justifie la posture du Sénégal en dépit des belles promesses.
Maintenant nous, au Sénégal, nous allons, à partir de cette année, au plus tard début 2024, commencer la production du pétrole et du gaz. Pour le gaz, nous disons que c’est une énergie propre, qu’elle n’est pas fossile comme le pétrole. Je pense qu’il faut que les pays occidentaux soient conciliants et acceptent qu’en Afrique il y a une situation qu’on ne peut pas dépasser sans ces énergies, et nous fixer un cap et y aller de façon évolutive,
a déclaré poursuivi la ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Aïssata Tall Sall. Elle ajoute que 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité.
Pour elle, l’Afrique ne peut pas se contenter uniquement de l’éolien, du solaire ou de l’énergie à base de l’hydrogène pour résoudre ses problèmes alors qu’il dispose de ressources naturelles.