Les économies africaines peuvent devenir des acteurs majeurs des chaînes d’approvisionnement mondiales en exploitant leurs vastes ressources en matériaux nécessaires aux secteurs à forte intensité technologique et grâce à leurs propres marchés de consommation en expansion.
C’est du moins ce qu’estime la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), dans son rapport 2023 sur le développement économique en Afrique, publié le 16 août dernier à Nairobi, au Kenya.
Ces chaînes englobent les systèmes et les ressources nécessaires pour développer, produire et transporter des biens et des services des fournisseurs aux consommateurs.
C’est le moment pour l’Afrique de renforcer sa position dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, alors que les efforts de diversification se poursuivent. C’est aussi l’occasion pour le continent de renforcer ses industries émergentes, de favoriser la croissance économique et de créer des emplois pour des millions de personnes »,
déclare Rebeca Grynspan, secrétaire générale de la Cnuced.
Selon le rapport, la valeur du marché africain du financement des chaînes d’approvisionnement a augmenté de 40 % entre 2021 et 2022, atteignant 41 milliards de dollars.
Mais cela ne suffit pas », écrivent les auteurs, pour qui le continent « peut mobiliser davantage de fonds en éliminant les obstacles au financement des chaînes d’approvisionnement, notamment les défis réglementaires, la perception des risques élevés et l’insuffisance de renseignements en matière de crédits.
Dans un contexte marqué par de profondes turbulences commerciales depuis la survenue du Covid-19, une conjoncture internationale incertaine qui a été accentuée par une flambée des tensions géopolitiques en Europe, notamment avec la guerre en Ukraine, et dans plusieurs autres parties du monde, etc., les entreprises sont dans l’obligation de diversifier et délocaliser leurs sites de production.
Divers organismes internationaux et experts parient d’ailleurs qu’avec les récents bouleversements, l’Afrique est l’avenir du monde et ne va pas tarder à devenir l’épicentre des délocalisations. La Cnuced, pour sa part, se dit convaincue que l’abondance en minéraux et métaux essentiels à travers le continent, à l’instar de l’aluminium, du cobalt, du cuivre, du lithium et du manganèse, composants vitaux pour les industries à forte intensité technologique, fait du continent une destination attrayante pour les secteurs manufacturiers.
L’Afrique offre également des avantages tels qu’un accès plus court et plus simple aux intrants primaires, une main-d’œuvre plus jeune, sensibilisée à la technologie et adaptable, et une classe moyenne en plein essor, connue pour sa demande croissante de biens et de services plus sophistiqués,
relève le rapport.
Il y a donc urgence pour les États, voire les communautés économiques régionales à créer un environnement propice aux industries à forte intensité technologique, entre autres réformes qui permettraient une augmentation des salaires sur le continent, actuellement fixés à un minimum de 220 dollars par mois, contre une moyenne de 668 dollars dans les Amériques. Au demeurant,
une intégration plus poussée dans les chaînes d’approvisionnement mondiales permettrait également de diversifier les économies africaines et de renforcer leur résistance aux chocs futurs,
ajoute le rapport. Qui ne manque pas de souligner, pour ce qui est de l’énergie, par exemple, que l’expansion des chaînes d’approvisionnement dans le secteur en Afrique est également une occasion d’accélérer l’action climatique.
Le vaste potentiel du continent en matière d’énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire, peut contribuer à réduire les coûts de production et à diminuer la dépendance à l’égard des sources d’énergie basées sur les combustibles fossiles. L’Afrique a besoin de plus d’investissements dans les énergies renouvelables pour combler l’important déficit d’investissement et s’attaquer aux autres obstacles à la fabrication de panneaux solaires sur le continent.
Pour l’heure, seuls 2 % environ des investissements mondiaux dans les énergies renouvelables sont destinés à l’Afrique. Or, la croissance des investissements dans les énergies renouvelables, d’après la Cnuced, pourrait promouvoir la fabrication de panneaux solaires sur le continent.
À titre d’exemple, en 2022, la République démocratique du Congo était le plus grand producteur de cuivre en Afrique, avec 1,8 million de tonnes métriques – et au-delà de l’exploration et de l’extraction, le pays est une destination potentielle pour l’affinage de produits métalliques destinés au secteur des véhicules électriques.
Sur le plan juridique, 17 pays africains, dont l’Angola, le Botswana, le Ghana et l’Afrique du Sud, ont déjà mis en place des réglementations sur le contenu local afin de soutenir la croissance des chaînes d’approvisionnement locales, de favoriser le transfert de technologies, de créer des emplois et d’apporter une valeur ajoutée à l’intérieur de leurs frontières.
En outre, les pays africains devraient également obtenir de meilleurs contrats miniers et licences d’exploration pour les métaux utilisés dans les produits de haute technologie et les chaînes d’approvisionnement. Cela renforcerait les industries nationales, en permettant aux entreprises locales de concevoir, d’acheter, de fabriquer et de fournir les composants nécessaires,
souligne la Cnuced.
Dans cette logique, l’adoption de technologies numériques innovantes est également essentielle pour optimiser les processus de la chaîne d’approvisionnement. Des pays comme le Kenya ont fait des progrès notables dans ce domaine, avec des taux d’adoption des compétences numériques en hausse en Afrique.
La Cnuced exhorte enfin les gouvernements à élaborer des politiques judicieuses, à favoriser un environnement réglementaire propice et à développer des programmes visant à promouvoir l’adoption généralisée de ces technologies.
L’organe des Nations Unies chargé du commerce et du développement réitère également son appel en faveur de meilleures solutions de financement afin d’offrir aux pays et aux entreprises d’Afrique des capitaux et des liquidités abordables pour investir dans le renforcement de leurs chaînes d’approvisionnement.
Le rapport indique que les petites et moyennes entreprises africaines ont besoin de plus de financement des chaînes d’approvisionnement, ce qui permet de réduire les délais de paiement entre les acheteurs et les vendeurs, d’améliorer l’accès aux fonds de roulement et de réduire les contraintes financières. D’où
la nécessité d’un allègement de la dette pour offrir aux pays africains une marge de manœuvre budgétaire leur permettant d’investir dans le renforcement de leurs chaînes d’approvisionnement, étant donné qu’ils paient en moyenne quatre fois plus pour emprunter que les États-Unis et huit fois plus que les économies européennes.