Le bio charbon ou charbon écologique ou simplement charbon vert est un combustible solide produit à partir de résidus agricoles et ménagers biodégradables, riches en carbone. Il compte parmi les solutions innovantes actuellement développées dans plusieurs pays en voie de développement pour lutter contre le changement climatique.
C’est une alternative au feu de bois et au charbon de bois abondamment utilisés dans plusieurs pays d’Afrique. À l’ère ou la priorité est donnée aux énergies vertes, des pays d’Afrique essayent de s’arrimer au nouvel ordre énergétique et produisent localement du charbon vert, avec des matériels simples et des technologies développées par des startup locales. Au Cameroun, des initiatives de production du charbon écologique naissent chaque jour. Des individus développent des solutions de cuisson dites « propres » pour répondre au besoin en énergie sans cesse croissant des populations. Selon ces derniers, c’est une action importante qui contribue aux efforts du gouvernement en matière de transition énergétique.
Le charbon écologique ne produit presque pas de gaz toxique pour l’environnement et en plus il est moins salissant ; Lorsque tu mets ta marmite au feu ça ne noircit pas comme le charbon de bois,
affirme Hélène Ndigay, ménagère au quartier Émana à Yaoundé. Celle-ci nous révèle qu’elle utilise ce produit pour ses cuissons depuis bientôt 2 ans et qu’elle s’approvisionne chez un artisan.
Expérimentations du laboratoire d’accélération du Pnud Cameroun
Afin de comprendre et de mieux apprécier le processus de fabrication du charbon écologique, le Laboratoire d’accélération du Pnud Cameroun a organisé des séances d’expérimentation et des tests auprès de 5 producteurs des régions de l’Extrême-Nord et du Nord (villes de Maroua, Garoua, Mokolo et Lagdo). Au cours de ces expérimentations, 4 types de charbon ont été testés à savoir : le charbon fait à base de papier, le charbon fait à base des résidus agricoles, le charbon fait à base des déchets organiques ménagers biodégradables et le charbon issu des déchets des exploitations de scierie.
Trois constats et observations majeures ont été dégagés. La première est que tous les producteurs rencontrés s’accordent sur un procédé de fabrication du charbon bio en huit étapes principales que sont : la collecte des déchets, qui sont triés et classés par type, le séchage des déchets collectés via un séchage électrique ou au soleil, la pyrolyse qui permet d’obtenir un produit carboné, le broyage du produit obtenu afin d’en faire une poudre homogène.
Puis l’association de la poudre obtenue à un liant (eau, gomme arabique, argile, amidon…), le malaxage qui permet d’homogénéiser le mélange, le compactage qui permet de donner la forme voulue au charbon et enfin le séchage, étape essentielle avant l’empaquetage dans un conditionnement approprié. La deuxième observation fait comprendre que les produits utilisés (déchets collectés et liants) varient en fonction des zones géographiques. Ainsi, dans les zones septentrionales, les principaux déchets utilisés étaient les déchets agricoles (balles de riz ; maïs ; feuilles de neem etc.) et le principal liant était la gomme arabique (plante issue de cet environnement).
Cependant, dans les régions telles que le Littoral, l’Ouest et le Centre, l’on a observé une plus grande valorisation des déchets ménagers et l’utilisation des liants tels que l’amidon de manioc. La dernière observation révèle qu’il existe de nombreux charbons dits charbons écologiques mais dont les caractéristiques techniques ne correspondent pas toujours aux caractéristiques attendues du charbon bio à savoir : un pouvoir calorifique inférieur (PCI) équivalant à 8.7 kWh, une durée minimale de combustion et l’absence de grosses fumées liée à la production du carbone. Les conclusions des expérimentations de l’organe des Nations Unies révèlent que le charbon vert a un bel avenir au Cameroun et peut être produit dans toutes les zones du pays au regard de la disponibilité et de la diversité de la matière première. Le secteur nécessiterait simplement un bon encadrement.
Dans le pays, la consommation d’énergie domestique est constituée à 82,3 % de bois de feu, 30,6 % de charbon de bois et 27 % de gaz sur l’ensemble du territoire national. Selon la représentation au Cameroun du Programme des Nations Unies pour le développement, le Cameroun s’est engagé à opérer une transition énergétique vers des modes de production et de consommation d’énergies propres face au défi du changement climatique. Ceci s’est traduit par la présentation de la Contribution prévue déterminée (CDN) au niveau national lors de la COP 21 en 2015 avec des objectifs précis en termes de réduction des gaz à effet de serre et de l’apport des sources d’énergies renouvelables au mix énergétique national à l’horizon 2035.
Des initiatives florissantes
Dans le pays, des structures voient le jour à l’instar de la Start Up Kemit Ecology portée par le jeune entrepreneur Muller Nandou Tenkeu qui produit plus de 2 tonnes par mois d’énergie propre depuis 2014, tel que mentionné par la DRH de l’entreprise. Dans la région du Nord, à Lagdo, une initiative portée par l’organisme Tontine verte de Lagdo en partenariat avec Action pour un développement équitable, intégré et durable (Adeid) et la Commune de Lagdo ayant pour objectif de fournir une solution énergétique alternative au charbon de bois et au bois, à moindre coût, pour les populations les plus défavorisées et soucieuses de l’environnement a vu le jour.
Elle se décline en objectifs spécifiques : collecter des déchets agricoles sur les marchés et dans les rues pour assainir la ville, faciliter l’accès pour les populations à une énergie propre et peu couteuse, contribuer à la création d’emplois verts afin de réduire le taux de chômage, diminuer les émissions de gaz à effet de serre produits par l’utilisation du bois et de charbon de bois, réduire les corvées de bois pour les femmes, limiter les maladies respiratoires dues à l’inhalation des fumées, promouvoir le charbon vert. D’après Initiatives Climat, les principaux bénéficiaires sont les ménages à revenus moyens et faibles en zones rurales et urbaines, les braiseuses de poisson et les restaurateurs. Cette solution est porteuse de résultats satisfaisants notamment la réduction de la déforestation, l’intégration des comportements favorables à l’environnement dans la vie quotidienne des populations cibles, la prévention des maladies respiratoires.
Sur le plan économique, les coûts ont diminué pour les ménages car le charbon vert est moins cher. Concernant la création d’emplois 30 femmes et 50 jeunes ont été formés aux techniques de production du charbon vert. Une unité de production et de commercialisation a été mise en place, des activités génératrices de revenus ont été créées pour les femmes grâce à la commercialisation du bio charbon tel que le précise Initiatives Climat. D’après Initiatives climat, 288 tonnes de déchets organiques ménagers sont collectées dans la ville de Douala chaque année, 24 tonnes de charbon vert sont produites, 3330 tonnes de carbone sont stockées, 360 étudiants sont formés aux techniques de collecte des déchets organiques ménagers biodégradables. Des chiffres qui montrent que ce secteur peut être prometteur.
La Côte d’Ivoire s’en mêle
En Côte d’Ivoire, plusieurs initiatives voient également le jour. C’est le cas de l’entreprise Tyegro-CI fondée en 2014 par le jeune Jacques Olivier Nguessan. D’après l’agence Ecofin, il aura fallu beaucoup de temps et de tentatives pour trouver la bonne formule de charbon écologique, alors que l’entreprise ne disposait pas d’un budget de recherche et de développement comme c’est le cas pour des groupes plus structurés.
Aussi, à ses débuts, l’entrepreneur qui emploie aujourd’hui une cinquantaine de personnes, avait du mal à trouver une main-d’œuvre qualifiée dans un secteur où les offres de formation ne sont pas très nombreuses. De même, sa matière première constituée de déchets agricoles n’est pas toujours disponible, en raison de cycles agricoles instables. En 2021, Tyegro-CI a annoncé un chiffre d’affaires d’un peu plus de 217 000 dollars US (environ 131 millions de FCFA). La société vend aujourd’hui ses articles grâce aux réseaux sociaux et à sa chaîne de distribution.
Elle livre son charbon aux ménages, aux restaurants et aux hôtels. Le jeune entrepreneur ne cesse d’aligner des prix pour son initiative dont le prix de l’entrepreneur le plus innovant en Afrique,
le prix du meilleur jeune entrepreneur en Afrique en 2018, le prix du meilleur entrepreneur Agro-pastoral ivoirien, le prix de l’entrepreneur agricole le plus innovant en Côte d’Ivoire en 2021. Dans le pays des expérimentations sont effectuées avec l’Association des producteurs de forêts naturelles et plantations (Apfnp) d’Affery. La FAO a mis en place trois unités artisanales de production de charbon vert à Gagnoa, à partir de balles de riz en 2018, selon Mediaterre Afrique de l’Ouest.
L’énergie verte en vitrine à la COP 28
Au troisième jour de la 28e conférence de l’ONU sur le changement climatique (COP28) à Dubaï, le président français Emmanuel Macron a appelé à “un virage absolu sur le charbon”. Au moins 118 pays se sont engagés à tripler les capacités d’énergies renouvelables dans le monde d’ici 2030, selon France 24. Les États-Unis s’engagent à hauteur de trois milliards de dollars en faveur du Fonds vert pour le climat, a déclaré la vice-présidente Kamala Harris, présente à Dubaï. Kamala Harris a exhorté les dirigeants du monde entier à accélérer et à œuvrer avec “courage et conviction” contre le changement climatique. Le Fonds vert pour le climat est le plus important fonds international dédié à l’action climatique et compte plus de 20 milliards de dollars de promesses de don.