C’est Pathé’O, styliste-modéliste, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire, créateur des célèbres chemises « Mandela » qui le déplorait en mai 2017, dans le cadre des 52e Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD), lors d’une session intitulée « Fashionomics » et dédiée au secteur africain du textile-habillement. « L’Afrique produit du coton, mais ce coton ne reste pas chez nous ». Et de poursuivre :
Nos pays producteurs exportent tout, et il ne nous reste rien. Croire que l’industrie de la mode, ce sont les autres, c’est faux. L’Afrique peut habiller l’Afrique. Mais pour se faire, elle a besoin de son coton. Pour passer de la mode à une vraie industrie, il faut développer la formation, les infrastructures et l’accès aux ressources financières.
Et, le Nigérien Sidahmed Alphadi de renchérir dans le même sens en précisant que :
Dans le temps, nous avions demandé que les pays producteurs de coton conservent au moins 25 % de leur production. Mais ça n’a jamais été respecté : c’est à peine si nous en gardons 2 %.
Avant d’ajouter que : « J’ai été longtemps frustré parce que nos voix ne portent pas ». Ces stylistes sont donc unanimes : « pour développer son marché du textile, l’Afrique a besoin de son coton ». Surtout que le secteur représenterait un marché de 31 milliards de dollars US en Afrique subsaharienne. C’est même le deuxième secteur le plus important en termes d’emplois dans les pays en développement, après l’agriculture, selon la BAD. Comme l’indiquait la BAD en 2017, en Afrique, l’industrie de la mode pourrait générer 15,5 millions de dollars US dans les cinq ans, d’après la BAD, et ces chiffres restent encore bien loin du 1,3 milliard de dollars US que cette industrie pèse à l’échelle mondiale.
D’importantes opportunités d’investissement
Et, à l’horizon 2050, les besoins en habillement seront de plus en plus importants car, d’ici cette date, un quart de la population mondiale vivra en Afrique, selon l’Unicef, alors que les taux de natalité continuent d’y augmenter rapidement. Sur la base des tendances actuelles, d’ici 35 ans, 25 personnes sur 100 seront des Africains », précise l’Unicef. La population africaine, qui compte actuellement 1,2 milliard d’habitants, atteindra 2,5 milliard d’habitants en 2050, pour quasiment doubler d’ici le milieu du siècle et atteindra 4,2 milliards d’ici 2100, selon l’Unicef.
Cette croissance démographique entraînera une surpopulation encore plus forte, et d’ici la fin des années 2030 la plupart des Africains vivront dans des villes. C’est donc une population qu’il faudra habiller, ce qui préfigure d’importantes opportunités d’investissement dans ce secteur pour relever ce défi. Helen Hai, fondatrice de l’initiative « Made in Africa », par ailleurs vice-présidente et directrice générale des investissements à l’étranger pour le groupe Huajian, pense à juste titre, s’adressant aux deux stylistes africains, qu’il faut mettre l’accent sur l’entrepreneuriat :
Malgré les difficultés, il faut avancer. Il faut compter sur soi-même, on peut commencer de rien et créer des vêtements, comme c’est le cas en Chine,
a-t-elle affirmé en 2017. Pour sa part, Nick Earlam, pdg du groupe britannique Plexus Cotton, spécialisé dans le coton au Nigeria ajoutait que
La créativité est capitale. Il faut adopter une autre approche, il faut créer, faire du neuf. Le temps de l’Afrique est venu dans ce secteur à fort potentiel. C’est l’industrie textile qui va radicalement changer l’Afrique,
avait-t-il prophétisé.
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