Au moins cinq hauts responsables de Glencore, la firme anglo-suisse spécialisée dans le négoce de produits pétroliers sont attendus ce mardi 10 septembre devant le tribunal de Westminster à Londres au Royaume-Uni.
Lors de ce procès, aussi attendu que redouté au Royaume-Uni et dans un peu plus d’une demi-douzaine de pays africains dont le Nigéria, le Cameroun, la Guinée équatoriale, la Côte d’Ivoire, le Sud Soudan et la République démocratique du Congo, des cadres de Glencore devront répondre des charges de corruption. De grosses révélations aussi sont attendues sur l’identité des responsables camerounais corrompus de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) et de la Société nationale de raffinage (Sonara) comme l’annonçait Invest-Time dans sa publication du 5 août 2024.
L’affaire Glencore est l’histoire d’un gros scandale de corruption impliquant des responsables de la firme anglo-suisse Glencore Plc et de hauts cadres de sociétés pétrolières en Afrique et en Amérique latine. Entre 2007 et 2018, Glencore a versé des pots-de-vin à des fonctionnaires employés par ces sociétés intermédiaires, en contrepartie de l’obtention des faveurs et privilèges dans la négociation de contrats pétroliers et l’achat de pétrole brut à ses partenaires à des prix qui étaient en sa faveur.
S’agissant de ce volet relatif aux pots-de-vin, ce sont au total quelque 79,6 millions de dollars US que la firme aurait versés à des hauts fonctionnaires africains pendant environ dix années. En 2022, le géant anglo-suisse du négoce de matières premières a été condamné aux États-Unis et au Royaume-Uni. Glencore a avoué avoir corrompu pendant plus de dix ans des fonctionnaires pour obtenir des contrats ou éviter des audits dans plusieurs pays.
Préjudices sur les plans fiscal et douanier
Pour le cas du Cameroun, le pays reconnaît désormais avoir subi d’énormes préjudices sur les plans fiscal et douanier, du fait notamment des fraudes imputées à Glencore Explorations Cameroun, la filiale camerounaise de Glencore Plc. Le manque à gagner dû aux institutions financières que sont la Direction générale des impôts (DGI) et la Douane est évalué à 33 millions de dollars soit une vingtaine de milliards de francs CFA. Et ce montant colossal n’inclue pas les intérêts générés par ce manque à gagner.
Mi-juin 2024, le chef de l’Etat camerounais, Paul Biya, a instruit le ministre des Finances d’engager des diligences auprès des autorités judiciaires compétentes de la Grande Bretagne et de la confédération helvétique, en vue d’obtenir des informations plus complètes et plus détaillées sur ce dossier. S’agissant des pots-de-vin proprement dits, ils sont évalués à 11,6 millions de dollars soit sept milliards de francs CFA. Outre la Société nationale des hydrocarbures (SNH), la Société nationale de raffinage (Sonara) est également citée dans ce scandale, mais elle n’a jamais daigné donner la moindre explication.
La SNH, qui est restée peu disserte depuis le déclenchement de l’affaire, se contentant d’exiger aux dénonciateurs la production des preuves, finalement dans un communiqué signé le 02 août 2024, cette société publique déclare, par la voix de son administrateur directeur général, Adolphe Moudiki, se réjouir
de l’avancée des poursuites contre les auteurs et complices des actes de corruption qui entachent son image.
Selon Adolphe Moudiki, l’identification et la comparution des dirigeants et employés de Glencore
marque une avancée significative dans la recherche de la vérité dans cette scabreuse affaire.
Transport des grosses sommes d’argent
Grâce aux révélations persistantes faites par l’ancien bâtonnier camerounais, Maître Akere Muna, qui avait porté l’affaire au grand jour il y a deux ans, l’on sait désormais, par exemple, que des jets privés assuraient régulièrement le transport des grosses sommes d’argent de la corruption (des devises non déclarées), du Nigeria au Cameroun. Glencore Plc négociait auprès de la SNH des contrats d’achat du brut camerounais à des prix très favorables pour elle. Elle revendait ensuite la manne pétrolière à la société nationale de raffinage, toujours à son avantage. La firme occidentale avait en outre mis en place deux comptoirs, l’un au Royaume-Uni (fermé en 2011) et l’autre à Genève (fermé en 2016).
L’un des présumés corrupteurs mis en cause, le milliardaire Alex Geard, a d’ores et déjà été inculpé au Royaume-Uni par l’organisme britannique en charge de la répression des crimes économiques graves, le Serious Fraud Office (SFO), pour conspiration en vue de verser des pots-de-vin à l’effet de favoriser les opérations de Glencore en Afrique.
Cette évolution dans l’affaire Glencore est le fruit de l’enquête diligentée par le Serious Fraud Office (SFO), après avoir reçu l’autorisation préalable du procureur de la République du Royaume-Uni en vue d’engager des poursuites judiciaires contre tous les responsables de la firme qui seraient impliqués de près ou de loin dans ce gros scandale de corruption à ciel ouvert.
L’enquête du SFO a permis d’identifier d’autres noms à l’instar de Andrew Gibson, Paul Hopkick, Ramon Labiaga et Martin Wakefield, qui devront également répondre des chefs d’accusation retenus à leur encontre par l’organisme britannique en charge de la répression des crimes économiques graves.