Cameroon Télécommunications (Camtel), l’opérateur historique et détenteur exclusif de la concession de la fibre optique au Cameroun, est au cœur de la polémique. Accusé par MTN et Orange de ne pas assurer une maintenance adéquate de la fibre optique, Camtel se retrouve sous le feu des projecteurs. Les interruptions de service fréquentes et les coupures récurrentes de la fibre impactent directement la qualité des appels et l’accès à Internet, affectant des millions de Camerounais. MTN, par exemple, a enregistré un niveau record d’instabilité de la fibre en août 2024, ce qui a considérablement altéré la qualité de ses services.
Face à ces critiques, Camtel se défend en pointant du doigt les actes de vandalisme contre ses infrastructures et les travaux publics qui endommagent régulièrement la fibre optique. L’opérateur affirme que ses concurrents ne font pas assez d’efforts pour améliorer leurs propres réseaux, ce qui entraîne une surcharge et dégrade encore plus la qualité du service. Camtel accuse également certains opérateurs de congestionner les réseaux en raison de leur nombre élevé d’abonnés, sans pour autant investir suffisamment dans l’expansion et l’optimisation de leurs infrastructures.
L’intervention de l’Agence de Régulation des Télécommunications
Philemon Zo’o Zame, Directeur général de l’Agence de régulation des télécommunications (ART) est en visite de travail à Douala depuis le 23 septembre 2024. Selon l’ART, cette descente vise à
accroître la pression sur les opérateurs, exiger des améliorations et le respect des engagements envers les consommateurs et l’État.
La visite comprend l’inspection des réseaux, l’évaluation des investissements des opérateurs et l’amélioration à court terme de la qualité des services mobiles. Une rencontre est également prévue avec IHS Cameroun, un opérateur d’infrastructures passives de télécommunications sous licence de catégorie 1.
Par ailleurs, en réponse à ces dysfonctionnements, l’Agence de Régulation des Télécommunications a récemment décidé de mener un audit national sur l’état de la fibre optique gérée par Camtel. Les premières conclusions sont préoccupantes : l’infrastructure est dans un état de dégradation continue, et les conditions actuelles de maintenance nécessitent une réévaluation urgente. Ce rapport vient corroborer les plaintes des opérateurs comme MTN, qui a accusé Camtel de rendre la gestion de la fibre de plus en plus difficile, avec une hausse de plus de 40 % du nombre de coupures en un an.
De plus, cette bataille ouverte entre les opérateurs révèle un climat de méfiance et de concurrence exacerbée dans le secteur. La situation est d’autant plus tendue que l’année dernière, l’ART a infligé des amendes d’un montant global de 10 millions de dollars US (6 milliards de Fcfa) aux opérateurs de téléphonie mobile au Cameroun, notamment MTN, Orange, Viettel, ainsi qu’à l’opérateur para-public Camtel, en raison de la mauvaise qualité de leurs services et des tarifs appliqués aux consommateurs.
Si le rapport qualité/prix est encore loin de l’équilibre, il apparaît clairement que les opérateurs, eux, réalisent de supers profits d’année en année. Ce succès repose sur une forte pénétration de MTN dans tous les segments, notamment la voix, les SMS, l’internet et le Mobile Money. Avec plus de 10,6 millions d’abonnés, MTN détient 50,85% du parc d’abonnés, contre 46,44 % pour Orange et 2,71% pour Camtel.
Un enjeu crucial pour la transformation numérique
La transformation numérique du Cameroun dépend de la stabilité et de la fiabilité de ses infrastructures télécoms. Les pannes fréquentes et les tensions entre opérateurs risquent de freiner les progrès dans un secteur crucial pour le développement économique du pays. Avec une demande croissante pour les services numériques, il devient impératif que les opérateurs collaborent pour renforcer la qualité du réseau et répondre aux attentes des consommateurs.
La bataille des télécoms au Cameroun, centrée sur la gestion de la fibre optique, est un signal d’alarme pour un secteur en plein essor mais encore fragile. Le défi pour les opérateurs sera non seulement de résoudre leurs différends, mais aussi de s’engager dans une amélioration durable des infrastructures pour soutenir la croissance numérique du pays.