En Afrique, le Nigeria est de loin le leader en matière de production de gingembre, avec une production annuelle d’environ 160 000 tonnes pour la campagne 2024/2025, soit plus du double des 68 000 tonnes récoltées lors de la campagne précédente. Globalement, le rebond de la récolte de gingembre attendu en 2024/2025 est une bonne nouvelle pour la filière, une source de recettes d’exportations non négligeable. Selon les données compilées sur la plateforme Trade map, les exportations nigérianes de gingembre ont généré plus de 44 millions $ en 2023.
Au Togo, la production annuelle de gingembre est estimée à 64 000 tonnes, principalement concentrée dans les régions des Plateaux et Centrale, avec un rendement moyen de 10 à 20 tonnes par hectare de rhizomes frais. Cependant, la majeure partie du gingembre africain est exportée sous forme brute, avec une valeur ajoutée limitée. Cette stratégie réduit les revenus pour les agriculteurs et freine le développement de l’industrie locale.
Au Burkina Faso, la culture du gingembre s’est développée ces dernières années plus particulièrement dans les régions du Sud-Ouest, des Cascades et des Hauts-Bassins. La demande nationale de cette épice consommée partout dans le monde est estimée à 50 000 tonnes par an, pendant que la production nationale, très prisée à l’international pour sa qualité, tourne autour de 5 000 tonnes. La production du gingembre, au vu de la demande, peut donc constituer une source de richesses, pour peu qu’elle bénéficie d’un accompagnement adéquat. En comparaison, des pays comme l’Inde et la Chine ont investi dans des infrastructures de transformation qui permettent de dominer le marché des produits dérivés comme les huiles essentielles, les extraits, et la poudre de gingembre, des segments où la valeur est nettement plus élevée.
Un rôle marginal sur le marché mondial
Alors que l’Afrique dispose de terres agricoles propices et d’une main-d’œuvre abondante, sa part dans le marché mondial du gingembre reste marginale. En 2022, le continent représentait moins de 5 % des exportations mondiales, alors que des marchés comme l’Europe, les États-Unis et l’Asie enregistrent une demande croissante pour le gingembre et ses dérivés. Le prix du gingembre brut oscille entre 1 280 et 1 300 dollars US la tonne, selon la qualité et la demande. Cependant, lorsque le gingembre est transformé en poudre, son prix peut atteindre des valeurs nettement supérieures, et les huiles essentielles, très recherchées dans les industries pharmaceutiques et cosmétiques, peuvent se négocier à des prix encore plus élevés. Cette différence souligne la valeur stratégique de la transformation locale.
Les infrastructures de transformation du gingembre en Afrique sont encore embryonnaires, mais certaines initiatives montrent une volonté de changer la donne. Au Togo, un plan d’action d’investissement pour la filière gingembre a été élaboré en 2024, visant à structurer et développer la production et la transformation du gingembre. Plusieurs acteurs et partenaires appuient la filière au Togo, notamment la coopération allemande, ou encore le MIFA, même si la filière reste encore peu structurée, avec seulement environ 50 coopératives et quelques unions.
Des efforts de développement de cette plante herbacée vivace, originaire d’Asie tropicale, ont également été soutenus par des projets tels que l’Agropole de la Kara. Ceci a favorisé une augmentation de la superficie totale exploitée de plus de 25% entre 2021 et 2023, passant de 930 hectares en 2021 à 1 218 hectares en 2023, selon les données officielles. Malgré ces efforts, l’Afrique reste loin de maximiser son potentiel. Le manque d’accès au financement, l’insuffisance des infrastructures de transport, et l’absence de politiques publiques cohérentes freinent le développement de cette industrie en Afrique.
Un potentiel économique et social considérable
Investir dans le gingembre en Afrique pourrait transformer le paysage économique de plusieurs pays producteurs. En intégrant des chaînes de transformation, le continent pourrait non seulement multiplier la valeur de ses exportations, mais également créer des milliers d’emplois. De plus, l’essor de cette industrie aurait un impact direct sur les revenus des agriculteurs, la majorité d’entre eux étant de petits exploitants.
Le soutien des gouvernements et des institutions financières est crucial pour attirer les investisseurs. Des incitations fiscales, des partenariats public-privé, et des investissements dans les infrastructures de transport et de stockage pourraient aider à structurer la filière. Le cas du Rwanda, qui a récemment lancé un programme de transformation de produits agricoles, démontre que des politiques bien ciblées peuvent rapidement changer la dynamique d’un secteur. Le marché du gingembre en Afrique représente un trésor caché qui attend d’être pleinement exploité.
En développant des infrastructures de transformation, en structurant les chaînes de valeur et en répondant aux exigences de qualité du marché international, le continent pourrait s’imposer comme un acteur majeur sur ce marché en plein essor. Pour les investisseurs, ce secteur offre une opportunité rare de conjuguer rentabilité économique et impact social. Il faut rappeler que plus de 1270 producteurs vivent de cette activité en Côte d’Ivoire, selon un recensement réalisé sur l’ensemble des 6 zones de production (Bongouanou, Gagnoa, Soubré, Tiassalé, Tanda et surtout Koun-Fao). Cette épice est très appréciée en Afrique, sous forme de boisson et pour relever le goût des mets.
Culture du gingembre : pénible mais juteuse
Zingiber officinale est une plante vivace tropicale herbacée, dont le port fait penser à celui d’un roseau, et mesure environ 1m30 de haut. La multiplication de la plante se fait grâce aux bourgeonnements de son rhizome à l’origine de nouveaux plants. Le gingembre étant une plante héliophile, sa culture requiert un climat tropical (température moyenne au-dessus de 20°C et une pluviométrie élevée) puis un bon ensoleillement toute l’année. Le gingembre supporte tout aussi bien un ombrage partiel mais sa croissance pourrait être retardée si les conditions du milieu ne sont pas optimales.
Cette plante supporte les altitudes moyennes pouvant atteindre 1500 m et sa mise en culture nécessite des sols drainants, légers et fertiles à cause de son anatomie et sa physiologie. Ses besoins en eau varient entre 1000-1200 mm d’eau comme celles du curcuma. Il est très répandu dans les pays tropicaux, ceux d’Asie du Sud sont les premiers producteurs mondiaux devant les pays africains producteurs comme le Nigéria, l’Éthiopie ou encore le Cameroun.
Le Brésil, l’Australie et la Jamaïque en produisent également. Pour chaque campagne, il faut absolument labourer le sol, faire le semi, passer au paillage et entretenir (sarclage) trois ou quatre fois etc. Selon plusieurs acteurs, l’urgence d’organiser cette filière qui génère des revenus sur toute la chaîne (production, transformation, commercialisation) devient nécessaire.