La mine de manganèse de Nayéga, entame en fin juin 2025 sa phase de production industrielle. Elle devrait produire dans un premier temps 4 000 tonnes par mois de minerai, avec un objectif de montée en charge à 8 000 tonnes par mois à partir du quatrième mois d’exploitation. Un premier contrat de vente de 400 000 tonnes a déjà été sécurisé. L’exploitation est assurée par la société togolaise STM, assistée sur le plan technique par l’entreprise britannique Keras Resources, anciennement propriétaire du permis.
Pendant dix ans, la mine de Nayega est restée à l’état de promesse. Creusée mais silencieuse, estimée mais inexploitable, elle symbolisait un paradoxe minier trop fréquent en Afrique : disposer des ressources sans pouvoir en tirer les bénéfices. Aujourd’hui, le Togo décide d’en reprendre le contrôle, et entend en faire un modèle de souveraineté minière nationale. Le dossier Nayega avait tout pour attirer l’attention : des réserves évaluées à plus de 8 millions de tonnes de manganèse, une position géographique favorable à l’export, et un marché mondial en mutation.
Pourtant, depuis 2012, le projet patinait. Le partenariat initial noué avec la junior britannique Keras Resources n’a jamais abouti à une production commerciale. En 2023, le Togo décide de reprendre la main en nationalisant le projet. STM, société publique, acquiert officiellement le permis de Nayéga pour 1,7 million de dollars. Le nouveau modèle repose sur un équilibre : le capital et le contrôle de la mine sont entièrement publics, tandis que Keras apporte son expertise via deux contrats d’appui (1,5 % du chiffre d’affaires brut en conseil et 6 % sur les volumes vendus, plafonné à 900 000 tonnes ou 3,5 ans maximum).
Enjeu économique majeur pour la diversification des ressources
Le Togo réalise avec Nayéga une diversification stratégique. En 2022, les revenus miniers s’élevaient à 33 millions de dollar américain (18,97 milliards de FCFA), dont 94 % issus du phosphate. L’exploitation de Nayéga pourrait générer plusieurs milliards de FCFA par an en taxes, redevances et revenus d’exportation selon le gouvernement togolais. La mine contribuera aussi à la création d’emplois, au développement local dans une zone enclavée, et à la montée en compétence des techniciens nationaux.
Selon les autorités, le projet s’inscrit dans l’axe 3 du Plan National de Développement, qui vise l’inclusion sociale et le développement territorial. Pour information, le manganèse est le quatrième métal le plus utilisé au monde. Il est essentiel à la production d’acier, mais sa demande croît désormais dans le secteur des batteries lithium-ion. Selon plusieurs études de marché, la consommation mondiale de manganèse augmentera de 4,2 % par an jusqu’en 2027, portée par les marchés asiatiques et la transition énergétique.
Avec Nayéga, le Togo se positionne à un moment stratégique pour tirer profit d’un métal devenu critique dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Le rapport ITIE 2022 sur le secteur extractif togolais a mis en évidence un écart inexpliqué de plus d’1 million de dollars (685 millions FCFA) entre les paiements déclarés par les entreprises et ceux perçus par l’État. L’exigence de redevabilité sera donc cruciale dans le suivi du projet Nayéga.
Valorisation locale
Pour l’heure, le minerai sera exporté brut. Mais les autorités évoquent déjà des pistes de valorisation locale à moyen terme. L’exemple de la filière phosphate avec le partenariat avec le groupe marocain OCP pour produire des engrais localement, pourrait servir de modèle. La transformation du manganèse en alliages ou en composants de batteries est une voie à explorer si le pays veut maximiser la valeur ajoutée.
Au plan local, la mine est également appelée à dynamiser les activités économiques dans la région des Savanes : sous-traitance, transport, BTP, restauration, etc. Comme toute activité minière, Nayéga pose des défis environnementaux. Les populations locales, majoritairement favorables au projet, réclament néanmoins plus de transparence sur les impacts écologiques et les plans de réhabilitation. …
Des taxes spécifiques sur l’environnement, bien que prévues depuis 2008, n’ont jamais été mises en œuvre, apprend-on des médias locaux. STM devra également publier ses données sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), instaurer un fonds de développement communautaire et garantir des indemnisations équitables.
Le lancement opérationnel de Nayéga est un tournant pour l’économie togolaise. Le pays entre sur un marché mondial stratégique tout en affirmant une volonté politique claire de reprendre le contrôle de ses ressources naturelles. Le pari est audacieux : réussir un modèle public de gestion minière tout en garantissant attractivité, transparence et développement durable. Si STM tient ses engagements techniques, financiers et sociaux, Nayéga pourrait devenir un laboratoire pour une nouvelle génération de mines africaines à gouvernance nationale renforcée.
