Monsieur le Directeur régional, merci de recevoir le nouveau site internet Invest-Time dont la vocation est la couverture de l’actualité sur les investissements en Afrique. Quels sont les objectifs et les missions de Proparco ?
Proparco est la filiale du groupe Agence française de développement (AFD) et, depuis plus de 45 ans, agit aux côtés des acteurs privés pour construire un monde plus durable. Proparco est dotée d’un réseau international de 23 implantations locales, dont fait partie la Direction régionale de Proparco en Afrique centrale que je dirige depuis plusieurs mois. Proparco collabore étroitement avec ses partenaires pour construire les solutions durables en réponse aux enjeux environnementaux et sociaux en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique latine. Proparco a une expertise sectorielle forte, une gamme d’outils financiers diversifiée et adaptée aux différents stades de développement de l’entreprise (notamment avec sa filiale Digital Africa) et possède également une offre d’accompagnement technique (« Propulse ») qui vise à démultiplier les impacts et la performance de ses partenaires.
Le 30 mars 2023, Proparco a marqué un temps d’arrêt, pour la célébration des 20 ans de sa Direction régionale en Afrique centrale, quelles sont les actions dont vous êtes le plus fier ces 20 dernières années dans la sous-région ?
20 ans, pour un jeune adulte, c’est l’âge des possibles, un âge-seuil, mais c’est l’âge de gagner en expérience et en responsabilité. 20 ans c’est aussi une rétrospective pour la représentation de Proparco en Afrique centrale. Ce sont surtout 20 années que nous avons consacrées aux côtés de nos clients, de nos partenaires. Je n’aurai pas la prétention de vous dresser un bilan des 20 années, je souhaite seulement donner quelques illustrations des projets et de la façon dont nous sommes intervenus dans la région que nous couvrons, à savoir les 6 pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale ainsi que Sao Tomé et Principé et la République démocratique du Congo, avec notre antenne à Kinshasa.
Avec plus de 650 millions d’euros de financements engagés sur la région ces dernières années, nous avons soutenu des PME et des très petites entreprises pour favoriser l’inclusion financière et soutenir la création d’emploi. Plus globalement, avec l’initiative Choose Africa du groupe AFD, nous avons soutenu plus de 26 000 entreprises et plusieurs dizaines de milliers de micro-entrepreneurs entre 2019 et 2021. Au Cameroun, cela représente 2 000 entreprises et 21 000 emplois. Et le Cameroun est d’ailleurs le troisième pays ayant reçu le plus de financement relativement à la taille de sa population.
Nous avons soutenu les TPE / PME notamment en mettant à disposition de nos partenaires d’intermédiation financière, les banques locales et les institutions de microfinance, telles que la Société Générale, Advans, Alios Finance, Afriland First Bank, ACEP et la BICEC, les outils suivants :
- Des lignes de refinancement de leur bilan leur permettant de faire des prêts plus longs et donc de mieux accompagner les projets d’investissement de ces PME et TPE,
- Nous leur avons également mis à disposition des produits de garantie qui ont pour objectif de réduire une partie du risque sur leur portefeuille de prêt en assumant des éventuelles pertes finales. Ce mécanisme permet de favoriser l’accès au crédit pour les petites, moyennes et très petites entreprises.
Je vous donne deux exemples très concrets au Cameroun. Pour répondre à la difficulté croissante des importateurs de commodités agricoles née des effets du conflit en Ukraine, Proparco a développé un programme de garantie de Trade Finance pour accroître la capacité de financement des importateurs africains et de leurs banques. En 2022, nous avons par exemple signé avec Afriland First Bank au Cameroun une garantie de Trade Finance pour 15 millions d’euros, utilisée pour moitié sur les imports de riz.
Avec la Société Générale, nous avons soutenu le financement du Groupe scolaire British Isles dans le cadre du programme [de garantie] Choose Africa Résilience. Il s’agit d’une école primaire située dans la ville de Douala qui dispense un enseignement en anglais. Le financement a permis à l’école d’acquérir deux bus de transport, pour le ramassage scolaire.
Enfin, nous avons également soutenu le développement de projets d’infrastructure favorisant la transition énergétique, par exemple en cofinançant le Barrage Nachtigal au Cameroun, ou bien encore la connectivité des pays, comme au Gabon avec les trans-gabonaise rail et route.
A travers l’ensemble de nos interventions, nous avons depuis 2010, permis à 3,5 millions de personnes d’avoir un accès amélioré à un bien et à un service essentiel, tel que l’accès à l’électricité et l’eau. Nos financements ont aussi permis de contribuer à lutter contre le changement climatique en évitant l’émission de plus 900 000 tonnes de CO2 par an. Ce bilan n’est pas un satisfecit mais plutôt un engagement à continuer nos opérations à l’heure de la maturité et le faire avec nos partenaires.
A l’occasion de cette célébration, la stratégie de Proparco pour la période 2023-2027 a été dévoilée. En primeur pour Invest-Time, quelles en sont les grandes lignes ?
Avec sa stratégie 2023-2027, Proparco fait le choix d’orienter son action vers trois objectifs stratégiques clairs, afin de maximiser l’impact de ses investissements. Tout d’abord, nous souhaitons agir pour une économie durable et résiliente : sur le continent africain et dans les géographies les plus vulnérables, Proparco va renforcer son appui aux TPE/PME, aux systèmes financiers locaux, aux infrastructures physiques et accompagnera le développement de capacités locales de production et transformation.
Notre second objectif concerne notre planète : sur l’ensemble de ses géographies d’intervention, Proparco va cibler ses investissements pour plus d’impact en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique et de protection de la biodiversité. Et notre troisième objectif, en faveur de plus d’égalité, concerne également l’ensemble de nos géographies d’intervention, où nous concentrerons notre action en faveur de la réduction des inégalités de genre, socio-économiques et territoriales.
Pour mieux prendre en compte la complexité et la réalité de ses géographies d’intervention et adapter ses réponses aux besoins des clients, Proparco différencie ses approches : nous allons davantage financer l’innovation, tester de nouveaux modèles économiques, accompagner la structuration de filières et opérer plus significativement dans des environnements fragiles où les offres de financements sont plus contraintes.
Nous allons également augmenter les impacts des projets que nous financerons, en proposant plus systématiquement de l’accompagnement technique et en renforçant les capacités de nos partenaires notamment sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Enfin, pour aller plus loin dans la relation client, Proparco va mettre en place un accompagnement sur mesure dans le cadre d’une vision partagée, afin de maximiser les impacts pour une croissance durable et inclusive.
Vous êtes la filiale de l’Agence française de développement (AFD) dédiée au secteur privé, pourquoi financer le secteur privé en particulier ?
Nous soutenons le secteur privé en Afrique, en Amérique latine, en Asie et au Moyen-Orient, car nous croyons en un secteur privé durable et responsable, créateur d’emplois, de biens essentiels, et qui lutte contre le changement climatique. Prenons l’exemple de l’Afrique qui se distingue par son dynamisme entrepreneurial : le secteur privé africain, en particulier les PME et TPE, est plus que jamais le principal moteur de la croissance et de l’innovation sur le continent.
Les PME représentent 90% des entreprises formelles et emploient environ 60% des emplois formels. Or le secteur privé africain a un réel besoin de financement, car sur le continent, seuls 20% des PME ont accès aux prêts bancaires. Proparco souhaite donc soutenir les acteurs de ce secteur privé dynamique, au premier plan, les entrepreneurs.
Voulez-vous présenter les principaux critères de sélection des opérations financées par Proparco ? Que doivent savoir, à ce sujet, les promoteurs d’entreprises au Cameroun et plus largement en Afrique centrale ?
Pour accompagner la transition du continent, Proparco intervient sur tous les secteurs d’activités. Ses financements ciblent notamment le développement d’infrastructures essentielles au désenclavement des territoires, à l’activité économique et à l’amélioration des conditions de vie des populations (énergies conventionnelles et renouvelables, routes, ports, réseaux ferrés, aéroports…). Proparco contribue également à la modernisation des exploitations et des filières agricoles et agro-industrielles, à travers le financement de projets participant à la création d’emplois pour les populations rurales, au développement des activités de transformation et de distribution, ainsi qu’à la réduction des importations de produits alimentaires.
Proparco poursuit, par ailleurs, son engagement aux côtés d’institutions financières nationales et panafricaines (banques, organismes de microcrédit, etc.) afin de renforcer leurs capacités à investir dans des activités clés pour le développement, notamment celle des PME, et de favoriser la participation des populations à bas revenus à la vie économique. Sans se substituer à l’offre des banques commerciales locales ou internationales, mais en complémentarité, Proparco intervient aux conditions de marché, en euro, en dollar américain ou monnaie locale. En déployant une gamme complète d’instruments financiers, du prêt senior aux fonds propres en passant par l’obligation convertible ou la garantie, Proparco est en mesure de répondre à la plupart des besoins de financements qui ne seraient pas couverts par les acteurs privés. Au-delà de leur subsidiarité, ses interventions ont pour finalité de contribuer à des avancées concrètes en matière de développement durable dans les pays du Sud (principe d’additionnalité).
Que diriez-vous de l’entreprenariat au Cameroun en particulier et en Afrique centrale en général ?
Au Cameroun, les entrepreneurs, commerçants et artisans sont nombreux et ont besoin d’être accompagnés financièrement pour se lancer mais aussi se développer. Les Très Petites et Moyennes Entreprises (TPME), qu’elles soient en zones urbaines et rurales, ont été particulièrement impactées par la crise de COVID-19. Ces entreprises dominent le secteur privé camerounais autour de 70% et représentent ainsi un véritable moteur de l’activité économique du pays et de l’emploi, il est donc indispensable de les soutenir. Ces structures, qui font le lien entre le secteur formel et informel, sont particulièrement vulnérables dans ce contexte exceptionnel de crise sanitaire.
Dans la sous-région Afrique centrale, le Cameroun à lui seul représente 65% des financements octroyés par Proparco. Est-ce une bonne nouvelle pour la sous-région ? Qu’est-ce qui explique cette situation ?
Le Cameroun représente près de 65% de notre activité, viennent ensuite le Gabon pour 22%, la RDC et le Tchad (5% chacun) et le Congo Brazzaville. Cela traduit uniquement le poids économique du Cameroun en Afrique centrale avec près de 50% du PIB de la région et le dynamisme de son secteur privé.
Pour finir, Proparco est hissé au rang des principales institutions européennes de financement du développement. Quelles en sont les recettes ?
Nos derniers résultats sont ceux de l’année 2021 (ceux pour 2022 étant en cours de consolidation) et ont démontré la solidité de notre institution : malgré les difficultés économiques liées à la pandémie de Covid-19, Proparco a multiplié ses engagements en 2021, avec 2,3 milliards d’euros de financements autorisés. L’Afrique, région prioritaire du groupe AFD, a été la principale bénéficiaire des engagements de Proparco puisqu’elle représente 53% du montant total des autorisations, avec 1,2 milliard d’euros en 2021. La zone Amérique latine et Caraïbes concerne 20% des engagements (453 M€). Suivent l’Asie (387 M€), la zone Moyen-Orient (204 M€), la zone multi-pays (25 M€) et la région Europe/Caucase (4 M€).