Cameroon Oil Transportation Company (Cotco) a tenu un conseil d’administration ce mardi 04 juillet 2023 au siège de l’entreprise à Douala, dans la capitale économique camerounaise.
A l’issue des travaux qui se sont tenus sous l’encadrement de forces de sécurité mobilisées pour parer à toute éventualité, le Camerounais Harouna Bako et la Tchadienne Haoua Daoussa Déby ont été nommés respectivement aux postes de Directeur général et de Directeur général adjoint, a-t-on appris.
Le nouveau Directeur général occupait jusque-là les fonctions de directeur général adjoint du Port autonome de Kribi (PAK) et son adjointe, Haoua Daoussa Déby, le poste de Directeur général adjoint de la raffinerie de Djermaya, qui est située à 60 kilomètres au nord de N’Djamena, au Tchad.
La forte mobilisation des hommes en tenue devant le siège de Cotco, ce mardi, se justifie par le contexte de tensions dans lequel se tenait ce conseil d’administration.
D’après des sources relayées par nos confrères Investir au Cameroun, le Secrétaire général de la Présidence de la République du Cameroun, Ferdinand Ngoh Ngoh, a saisi le secrétaire d’État auprès du ministère de l’Industrie, des Mines et du Développement technologique (Minmidt), il y a quatre jours, au sujet de la situation de cette entreprise qui a la charge de la gestion du linéaire du pipeline qui transite par le territoire camerounais, et permet ainsi au Tchad d’acheminer son pétrole vers le port de Kribi pour son exportation.
Le haut cadre de la présidence camerounaise informait alors son collègue du gouvernement au sujet des menaces de fermeture de l’oléoduc par les responsables nommés le 24 mai dernier par l’entité britannique Savannah Energy.
Un magistrat chevronné
Alors que la menace devait être mise à exécution dès le 30 juin, les autorités camerounaises et tchadiennes ont anticipé en prenant des mesures conservatoires. La tenue du conseil d’administration, tout comme la désignation des nouveaux dirigeants de l’entreprise, participent donc de cette stratégie. Le profil du nouveau directeur général n’a pas été choisi au hasard. Harouna Bako est un magistrat chevronné qui a fait ses preuves.
Au moment de sa nomination, le 03 août 2016, au poste de Directeur général adjoint du Port autonome de Kribi (PAK), à l’issue d’un conseil d’administration de cette entreprise publique, tout juste deux mois après la création de celle-ci, Harouna Bako officiait comme procureur général près la Cour d’appel de l’Ouest.
A l’époque, les principaux responsables de l’association Ya Kamata s’étaient réunis à Douala, le 28 août, pour saluer la nomination de ce magistrat officiant alors comme vice-président national de cette organisation qui œuvre pour l’entraide et la solidarité entre les ressortissants du Grand Nord Cameroun, dont Bako Harouna est lui-même originaire.
Plusieurs de nos membres ont occupé et continuent d’occuper des fonctions hautement stratégiques au sein de notre appareil étatique,
se réjouissait alors le président national de Ya Kamata, El Hadj Oumarou. Il ajoutait que c’est sous l’actuel régime que les ressortissants Haoussa du Grand Sud ont véritablement été pris en considération dans notre pays, faisant allusion à Harouna Bako, fils de la tribu haoussa de Nanga-Eboko, dans la région du Centre.
Ce triomphalisme tranchait cependant avec la position affichée dans l’une de ses éditions de janvier 2014 par notre confrère L’œil du Sahel. Le journal dénonçait pour sa part la « grande marginalisation des magistrats du Grand Nord ».
Aujourd’hui, la promotion de Harouna Bako aux fonctions de DG de Cotco apporte un démenti à cette observation. Magistrat de 4ème grade, Harouna Bako était procureur général près la Cour d’appel du Littoral avant le vaste mouvement que le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) avait effectué le 18 décembre 2014 au sein de cette instance.
A ce titre, Harouna Bako comptait parmi les trois magistrats nordistes (sur 32) ayant rang de chef de cour.
Procès de l’opération « Epervier »
Au temps où il exerçait comme procureur général près la Cour d’appel du Littoral, il était intervenu dans le procès de plusieurs directeurs d’entreprises publiques encore écroués pour la plupart. Auparavant, Harouna Bako avait été président du tribunal à Eseka, Nkongsamba, pour ne citer que ces villes. A la faveur de sa nomination au poste de Dga du Port de Kribi, le bureau de l’association Ya Kamata le présentait comme un homme « compétent, intègre et dynamique ».
L’un des challenges incombant au nouveau promu, sera de préserver les intérêts du « tandem » Tchad-Cameroun, dans la bataille qui oppose ces deux pays à Savannah Energy au sujet du rachat de 41,06% des actions jadis détenues par l’Américain Exxon Mobil à Cotco. A la faveur de cette acquisition, la junior pétrogazière britannique avait pris le contrôle de la société, malgré la ferme opposition du Tchad.
Dans la foulée, au cours d’un conseil d’administration de Cotco à Paris, le 24 mai 2023, Savannah Energy procédait à la nomination de Nicolas de Blanpré à la tête de la société. Or, à la faveur du rachat par la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT) des 31% des parts de Cotco détenus par le Malaisien Petronas, N’Djamena avait porté la totalité de ses actions à 53,77%, devenant à son tour le chef de file.
Le même jour, le pays de feu le président Idriss Déby Itno avait révoqué, lors d’une assemblée générale, les représentants de Savannah Energy au conseil d’administration de Cotco, dont Nicolas de Blanpré. Se référant aux textes statutaires, N’Djamena estimait alors que Savannah Energy n’étant plus membre du membre du consortium exploitant le champ pétrolifère de Doba, au Tchad, n’avait plus le droit de détenir des actions dans l’entreprise.
Harouna Bako devra savoir comment se tenir dans ce chaudron. Mais surtout, il devra préserver les intérêts de l’Etat du Cameroun, notamment les 10% de parts supplémentaires que le voisin tchadien s’est engagé à rétrocéder au Cameroun via la Société nationale des hydrocarbures (SNH) dans le capital de Cotco.