Contrairement au charbon ou encore au pétrole, l’hydrogène n’est pas une énergie primaire. Avant de pouvoir être utilisé, il doit être produit à partir d’une source d’énergie. Si cette source est d’origine fossile, on parlera d’hydrogène gris.
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A contrario, lorsque la méthode de production repose sur des sources d’énergies renouvelables, on parle d’hydrogène vert. Il s’obtient à partir de l’électrolyse de l’eau qui n’émet pas de gaz à effet de serre. Le procédé consiste à décomposer les molécules de l’eau en dioxygène et dihydrogène vert.
Mieux encore, il s’agit de séparer les éléments hydrogène et oxygène, afin de produire cette énergie à faible teneur de carbone, dont l’usage sert, entre autres à la fabrication de l’ammoniac (matière première utilisée pour la fabrication des engrais) et au raffinage des produits pétroliers, afin de désulfurer les carburants. L’hydrogène est également utilisé dans le secteur des transports et de l’industrie lourde, où les chercheurs l’imaginent en remplacement des énergies fossiles pour l’acier et le ciment.
Disposant d’un potentiel énorme en matière de ressources naturelles permettant de produire « l’énergie du futur », l’Afrique pourrait alors être dans les années à venir, un futur hub. Un rapport conjoint de la Banque européenne d’Investissement, de l’Alliance solaire internationale et de l’Union africaine, le confirme en relevant que la production d’hydrogène vert en Afrique devrait atteindre 30 à 60 millions de tonnes par an d’ici 2050, soit 10% du marché mondial de l’hydrogène vert à cet horizon.
La demande mondiale à cette période devant atteindre, quant à elle, à en croire l’Agence internationale pour les Energies renouvelables (Irena) 600 millions de tonnes, ou 12% de la consommation énergétique pour réaliser les émissions de l’Accord de Paris. L’Agence révèle par ailleurs que la production annuelle d’hydrogène est de 90 millions de tonnes, dont seulement 0,1% produit à partir d’eau par électrolyse alimentée par des énergies renouvelables (solaire, éolienne, géothermique et ou hydraulique).
L’Afrique doit alors profiter de sa capacité à bénéficier d’énormes quantités d’énergie renouvelable, allant entre autres de 28% à 36% pour le solaire et 26 à 51% pour l’éolien terrestre pour tirer profit de cette manne que représente la production de l’hydrogène vert.
A titre d’exemples, un bon nombre d’experts sont d’avis qu’une industrie africaine de l’hydrogène vert dotée d’une capacité de production aussi élevée permettra alors à l’Afrique de générer entre 1,9 et 3,7 millions d’emplois directs. Elle augmenterait également le PIB cumulé du continent de 60 à 120 milliards de dollars, d’ici 2050.
Économiquement viable à 2 euros/kg, l’hydrogène décarboné va permettre d’accélérer la croissance économique à faible intensité de carbone de la région, tout en participant à la réduction des émissions de l’ordre de 40%.
En outre, la production africaine d’hydrogène vert pourrait permettre au continent de contribuer à l’approvisionnement énergétique mondial. Ce d’autant plus que la proximité de certains grands centres de demande, dont l’Europe devrait placer le continent dans une position favorable pour devenir un exportateur majeur de cette énergie verte qui jouera un rôle déterminant dans la transition énergétique.
Investissements colossaux
Toutefois, pour atteindre le chiffre de 30 à 60 millions de tonnes par an, le continent devra cependant mobiliserdes investissements estimés entre 680 et 1300 milliards de dollars US d’ici 2050. La plus grande partie des investissements (320 à 610 milliards de dollars) sera consacrée à la construction des centrales solaires et des parcs éoliens nécessaires à la production de 1500 à 3000 téréwattheures de cette énergie alternative. Soit plus de 50 fois, la production actuelle de l’Afrique issue du solaire et de l’éolien, toujours à en croire ce rapport publié en novembre 2022.
Sur le terrain, à en croire, Richard Kiplagat, le directeur général pour l’Afrique de l’Est, chez Afrca Practice, un cabinet de conseil stratégique panafricain, une dynamique est entrain d’être mise en place par certains hubs continentaux qui entendent tirer profit de ce secteur encore émergent.
En mai 2022, le Kenya, l’Afrique du Sud, la Namibie, l’Égypte, le Maroc et la Mauritanie ont lancé « l’Africa Green Hydrogen Alliance », au travers de laquelle, ils entendent intensifier leur collaboration pour mettre en place des conditions propices à l’essor des projets d’hydrogène, notamment en harmonisant leurs cadres institutionnels et réglementaires.
Et, en trouvant des solutions communes de financement.
L’intérêt de ces pays pour l’hydrogène s’explique par l’alignement entre leur potentiel de production et leurs besoins socioéconomiques. Certains sont également riches en matière première nécessaire à l’électrolyse de l’eau, tels que les métaux du groupe de la platine dont les réserves sont fortement concentrées en Afrique du Sud,
rappelle par ailleurs le vice-président du comité de plaidoyer de l’« Africa Hydrogen Partnership » (Ahp), une association continentale œuvrant au développement de l’hydrogène vert.
A cet effet, de nombreux acteurs se positionnent. « Fortescue Future Industries », envisage des projets au Kenya, en Ethiopie et en RDC, entre autres, en utilisant des sources géothermiques et hydrauliques.
En Namibie, la société « Hyphen Hydrgen Energy » cherche à développer le premier projet intégré d’hydrogène vert du pays, en capitalisant sur ses ressources solaires et éoliennes, et en investissant, indique « Jeune Afrique », 9,4 milliards de dollars US, avec un objectif de production de 300 000 tonnes d’ici 2030.
Le gouvernement sud-africain, en partenariat avec « Anglo American et Engie », étudie le développement d’une « vallée de l’hydrogène », allant de Limpopo au KwaZulu-Natal, couvrant le secteur minier, la production industrielle (fer, acier) et le transport.
Ces hirondelles ne font néanmoins pas le printemps car, la Banque européenne d’Investissement, relève avec regret que
les pays africains ne concentrent aujourd’hui que 3% des annonces des projets de production d’hydrogène décarboné à l’échelle mondiale
Il s’agit au total, ajoute l’institution, de 23 projets seulement annoncés au mois de novembre 2022 sur le continent pour des investissements cumulés de près de 100 milliards de dollars.
Des projets essentiellement concentrés en Mauritanie, au Maroc, en Afrique du Sud et en Egypte. Des pays qui représentent une capacité d’électrolyse d’environ 48 gigawatts.