Le Cameroun rappelle à la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) que les dépôts et consignations ne font pas partie des matières transférées à la Communauté. Le secrétaire général de la présidence de la République de ce pays de l’Afrique centrale vient de demander, dans une correspondance datée du 1er aout 2024, qui a fuité sur les réseaux sociaux, authentifiée par Invest-Time, au ministre des Finances d’inviter la Cobac à rapporter sa correspondance du 11 juillet 2024 relative à la suspension du processus de transfert des avoirs en déshérence dans les établissements de crédit, les établissements de micro finance et les établissements financiers du Cameroun.
La Cobac estime que ces transferts nécessitent au préalable des clarifications sur la nature de ces avoirs et surtout la mise en place, au plan communautaire, d’un cadre règlementaire régissant les modalités de conservation, de gestion et de restitution de ces valeurs.
La présidence de la République du Cameroun, par la voix du secrétaire général Ferdinand Ngoh Ngoh, demande au ministre des Finances, Louis Paul Motaze de veiller, avec la Caisse des dépôts et consignations (Cdec) et en application de l’article 55 du décret du 15 avril 2011 portant organisation et fonctionnement de cet organisme,
à la poursuite effective, diligente et sereine du processus de transfert des fonds entamé,
insiste Ferdinand Ngoh Ngoh. Cette prise de position de la présidence de la République rejoint celle du Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (Cdec), Richard Evina Obam, qui n’a de cesse de dénoncer lui aussi l’ingérence de la Cobac dans l’activité nationale des dépôts et consignations, par la signature de correspondances invitant, d’une part, les établissements de crédit du Cameroun à surseoir au processus de transfert des avoirs en déshérence au profit de la Cdec et, d’autre part, le Directeur général de la Cdec à prendre part, à Libreville, à une concertation au sujet des options d’encadrement des activités des Caisses de dépôts et consignations au niveau de la Cémac.
Délai expiré depuis le 31 mai 2024
Des actes pris sur la base d’une absence manifeste de fondement juridique qui violent la procédure prévue pour la prise de décision au niveau de la Cobac, mais aussi le champ de compétences de cette institution, les dépôts et consignations ne faisant pas, pour l’heure, insiste la Cdec, partie des matières transférées à la Communauté et restant, de ce fait, une activité souveraine régie par les dispositions pertinentes du droit national en vigueur.
En rappel, la loi du 14 avril 2008 régit les dépôts et consignations au Cameroun, ainsi que le décret du Premier ministre du 1er décembre 2023. Créée en 2008, mais opérationnelle seulement en janvier 2023, soit 15 ans plus tard, la CDEC a pour mission de recevoir, de conserver et de gérer certaines sommes et certains avoirs publics ou privés, conformément aux lois et règlements en vigueur. Le délai fixé pour le transfert de ces fonds à la Caisse des dépôts et consignations a expiré depuis le 31 mai 2024.
Certaines sources avancent le chiffre de 20% des dépôts actuels, qui échapperont au contrôle des banques, soit environ 2,5 milliards de dollars US (1500 milliards de FCFA), les dépôts bancaires se chiffrant à plus de 13 milliards de dollars US (7723 milliards de FCFA) à fin décembre 2023, selon les données de la Cobac.
Quid des Caisses de dépôts et consignations existant au Gabon (2010) et au Congo (2014) ?
Dans la sous-région Afrique centrale, des Caisses des dépôts et consignations fonctionnent déjà au Gabon et au Congo Brazzaville. Au Congo, la Caisse des dépôts et des consignations a été créée par une loi en date du 6 janvier 2014. Au Gabon, la Caisse des dépôts et consignations est créée sous la forme d’un établissement public à caractère industriel et commercial par ordonnance du 12 août 2010.
Au Cameroun, il est indéniable que la Caisse des dépôts et consignations n’est pas très bien vue par le puissant lobby bancaire qui a su mobiliser, pour sa cause, le gendarme du secteur des banques dans la sous-région Afrique centrale. Reste que la Cobac joue sa crédibilité au regard précisément de l’existence de Caisses des dépôts et consignations au Gabon et au Congo depuis 14 ans pour la plus ancienne.
Pour n’avoir pas envisagé depuis lors des options d’encadrement des activités des Caisses de dépôts et consignations au niveau de la Cémac ? Pourquoi n’avoir pas édicté une réglementation Communautaire depuis lors ? Comment comprendre que le besoin d’une réglementation Communautaire régissant les modalités de conservation, de gestion et de restitution de ces valeurs soit le prétexte pour suspendre les transferts de fonds des banques vers la CDEC au Cameroun seulement ? Il y a là, comme une curiosité, comme une incohérence, qui appellent des clarifications.