D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, FAO, les estimations indiquent que 47 milliards USD ont été investis dans la recherche et le développement agricoles du secteur public dans le monde en 2016. Cependant, les dépenses sont très inégales. Neuf pays à revenu élevé étaient responsables de près de 60% de ces investissements, tandis que les dépenses dans les pays à faible revenu, dont la plupart des pays africains, ne représentaient que 2% du total mondial.
Pourtant en Afrique, une recherche agricole beaucoup plus performante devrait permettre l’accroissement de la production pour une garantie de la sécurité alimentaire actuelle et future des populations ; le développement de systèmes de production durable ; la réduction des effets des changements climatiques sur la productivité agricole fondée sur une exploitation soutenable des ressources naturelles ainsi que la valorisation des produits agricoles par la transformation et la démarche qualité.
D’après le blog du Groupe de la Banque mondiale, World Bank Blogs, l’augmentation des dépenses pour la recherche et la vulgarisation agricoles peut stimuler de manière décisive la croissance économique et la réduction de la pauvreté. Les investissements dans ces domaines sont cruciaux si l’on veut une productivité agricole accrue et partant une stimulation de la croissance, une création de revenus et une réduction de la pauvreté. Selon des études effectuées en Afrique, une augmentation de 1 USD des revenus agricoles se traduit par une majoration de 2 à 3 USD du pouvoir d’achat des ménages.
Les solutions du Groupe consultatif pour la recherche agricole
À ce jour, peu de progrès ont été accomplis pour atteindre le plein potentiel des systèmes nationaux de recherche agricole en Afrique. Toutefois, après cinq décennies d’études et d’innovations menées, le plus grand groupe de recherche sur la sécurité alimentaire au monde le CGIAR (Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale) propose pour l’Afrique, les innovations et les solutions « climato-intelligentes » utiles aux petits exploitants agricoles. En effet, la stratégie 2030 du CGIAR est axée sur la transformation des systèmes alimentaires, fonciers et hydriques dans un contexte de crise climatique.
C’est pourquoi à la suite du sommet Action climat des Nations Unies en 2019, le groupe de la Banque mondiale a approuvé un financement de 60 millions USD au profit du projet AICCRA (Accélérer l’impact de la recherche climatique du CGIAR pour l’Afrique). Le but était de renforcer les liens entre les scientifiques et les chercheurs du CGIAR et les producteurs de denrées alimentaires, les décideurs politiques, les dirigeants du secteur privé, les responsables communautaires, les médias et d’autres parties prenantes essentielles à la transformation de l’agriculture africaine. Et à ce jour, l’initiative est fructueuse.
Notre priorité doit être d’accélérer le déploiement et la généralisation de solutions à l’efficacité déjà éprouvée pour renforcer la sécurité alimentaire,
selon Abdou Tenkouano, directeur du Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF), l’un des nombreux partenaires soutenus par l’AICCRA.
Des bénéfices de plus de 320 USD/ha enregistrés par des riziculteurs au Mali
Le projet a touché près de trois millions d’agriculteurs jusqu’à présent et montré comment travailler avec un ensemble de partenaires pour développer une agriculture climato-intelligente. Ce, en exploitant les technologies, les outils et la formation nécessaires pour développer l’innovation. Le projet a également fait recours à des émissions de télévision pour distiller les connaissances.
Au Mali, plus de 100 000 riziculteurs ont amélioré leurs rendements (+ 0,9 tonne par hectare) et leurs bénéfices (+ 320 dollars par hectare) tout en appliquant les fertilisants de manière plus efficace. Ces résultats sont le fruit de la combinaison de variétés de riz à cycle court, de services de mécanisation et d’une application Android intitulée RiceAdvice, qui fournit aux agriculteurs des informations climatiques propres à leur exploitation et pertinentes au niveau local.
Par ailleurs, l’AICCRA s’est associé à 16 universités africaines pour qu’elles intègrent l’agriculture climato-intelligente et les services d’information climatique tels que NextGen (un système de prévisions météorologiques saisonnières de pointe utilisé dans 17 pays par les centres climatiques régionaux qui couvrent l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est) dans le contenu de leurs programmes d’études, en veillant à ce qu’une fois déployées, ces innovations soient durablement utilisées et favorisent l’émergence d’une nouvelle génération de prévisionnistes du climat.
Les rendements de cacao portés à 2 tonnes par hectare en moyenne au Cameroun grâce à la recherche
Cultivé par 600 000 personnes dans tout le Cameroun, selon la Banque africaine de développement, le cacao est un secteur vital pour les communautés rurales. Mais c’est aussi une culture fragile dont le rendement a tendance à diminuer du fait de la combinaison des effets du changement climatique et de l’appauvrissement des sols. Ce qui menace les moyens de subsistance des agriculteurs.
Voilà pourquoi la Banque africaine de développement (BAD) a accordé des financements à l’Institut de recherche agricole pour le développement (IRAD), dont les recherches sont axées sur la création de variétés de semences adaptées. Ces variétés de semences de deuxième génération mises au point par l’IRAD permettent d’obtenir des rendements de 2 tonnes par hectare en moyenne, alors que la première génération, développée dans les années 1970 et 1980, donnait environ 1 tonne par hectare.
Il y a eu des progrès énormes. En moins de vingt ans, nous avons réussi à doubler le rendement potentiel des variétés que les cultivateurs utilisent désormais,
explique Bruno Efombagen, chercheur de l’IRAD à Yaoundé.
La demande des semences à fort rendement a très vite dépassé l’offre. Pour résoudre ce problème, la Banque africaine de développement a soutenu l’IRAD pour faire en sorte que ces semences soient mises à la disposition d’un plus grand nombre de cultivateurs. Dans tout le pays, l’IRAD met en place de plus en plus de champs dédiés à la production de semences.
Une nouvelle variété de semences appelée « cacao brésilien » est maintenant largement utilisée, apportant aux agriculteurs camerounais de bien meilleures récoltes. Ces variétés de semences de cacao de meilleure qualité ont contribué à juguler l’exode rural. Au moins 62 jeunes gens ont rejoint la coopérative de M. M’Viena.
Leur décision de se lancer dans la culture du cacao découle de la disponibilité des semences améliorées, estime-t-il, vu qu’elles permettent des récoltes rapides et abondantes.
Selon la BAD, le cacao est le deuxième produit agricole d’exportation du Cameroun derrière le coton. Ce pays d’Afrique centrale produit, environ 220 000 tonnes de cacao par an, expédiées pour l’essentiel à l’étranger via le port de Douala. Le cacao camerounais est aussi une carte de visite pour le pays.
Qu’est ce qui explique les lacunes technologiques en Afrique ?
En 2023, dans le cadre du Programme détaillé de développement de l’agriculture en Afrique (PDDAA), les pays africains se sont engagés à consacrer au moins 10 pour cent de leur budget national à l’agriculture, afin d’augmenter la croissance sectorielle de 6 pour cent par an. En 2011, l’Afrique a investi 0,51 % de la valeur de la production agricole dans la recherche agricole, un taux bien inférieur à l’objectif de l’Union africaine fixé à 1 % minimum, selon Beintema et Stads.
Depuis lors, malgré une augmentation des dépenses en matière de recherche agricole et de la capacité en ressources humaines dans l’ensemble, un certain nombre de pays connaissent une stagnation ou un déclin dans ces deux domaines. Un récent rapport du programme ASTI (Agricultural Science and Technology Indicators) de l’International Food Policy Research Institute (IFPRI), l’un des centres de recherche membres du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, évalue les tendances – en investissement, en capacités des ressources humaines et en résultats de recherche agricole en Afrique sub-saharienne.
Dans un grand nombre de pays, une faible attention est accordée à la recherche scientifique et technologique, notamment dans le domaine agricole (recherche agricole). Le rapport vise à apporter des éléments de réponse à la question :
comment expliquer de telles lacunes technologiques dans cette région en comparaison avec d’autres parties du monde ?.
Selon ASTI, il a été démontré que les investissements dans la recherche agricole jouent un rôle substantiel dans la réduction de la pauvreté, en comparaison avec d’autres types de dépenses ; ainsi, le manque d’investissements dans la recherche agricole en Afrique est préoccupant.
Les sous-investissements dans ce domaine s’expliquent principalement par les longs délais requis pour que les investissements agricoles produisent des résultats. Par conséquent, les décideurs ne retirent pas rapidement les avantages politiques de tels investissements. En outre, des écarts importants existent entre les conditions de travail et indemnités des chercheurs des Instituts nationaux de recherche agricole (INRA) et celles de leurs collègues universitaires. Ces inégalités doivent être éliminées afin de permettre aux INRA d’attirer, de retenir et de motiver, des chercheurs qualifiés. Les femmes, qui représentent la majorité des agriculteurs, ne sont pas assez représentées dans le secteur de la recherche agricole. Les installations et les équipements de recherche sont également obsolètes dans de nombreux pays. Tous ces problèmes soulèvent des préoccupations quant aux écarts et à la qualité des résultats de recherche, mais peuvent être des opportunités d’investissements prometteuses.
Développer des agendas nationaux de politique de recherche agricole
Selon Food Security Portal, l’agriculture africaine doit relever trois enjeux majeurs. D’abord, l’enjeu démographique : car il faudra nourrir la population actuelle et future (d’après les prévisions de l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Afrique comptera près de 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050), dont plus de 60% vivront en ville et s’approvisionneront via le marché, il est donc urgent de renforcer leur capacité à produire des aliments nutritifs pour répondre à une demande grandissante; L’enjeu moral: qui est de garantir le respect du droit à l’alimentation pour chaque individu; Enfin, l’enjeu économique: concernant l’exploitation du potentiel important du marché continental et des marchés régionaux pour assurer les bases d’une transformation viable des systèmes agricoles et des filières.
D’après World Bank Blogs, environ 250 millions de petits agriculteurs africains qui exploitent des parcelles de moins d’un hectare jouent un rôle capital dans le maintien de l’approvisionnement alimentaire du continent, en produisant près de 70 % de la nourriture.
En Afrique subsaharienne, l’agriculture – qui inclut, dans une acception large, les productions végétales, la transformation agroalimentaire, l’élevage, la pêche et l’exploitation forestière – est un secteur crucial à bien des égards. D’abord l’agriculture nourricière qui représente une source de revenus, et d’alimentation pour 70 à 80 % de la population ; Également l’agriculture source de revenus qui constitue le pivot de l’économie puisqu’elle représente de 30 % à 50% de la richesse nationale mesurée par le produit intérieur brut (PIB) dans bon nombre de pays africains subsahariens ; Ainsi que l’agriculture créatrice d’emplois qui est l’activité première pour plus de 60 % de la population africaine.
Le rôle crucial de l’agriculture dans le développement africain est désormais reconnu mais les politiques agricoles en Afrique restent loin d’être à la hauteur du poids que représente l’agriculture et ses enjeux. Et selon les experts, les gouvernements doivent développer des agendas nationaux de politique de recherche agricole sur le long terme et fournir un soutien institutionnel, financier et infrastructurel plus solide aux Instituts nationaux de recherche agricole. Ceci permettra aux instituts de recherche d’avoir plus d’autonomie pour aider à induire les changements nécessaires.