Entre 2007 et 2017, la quantité d’eau potable en bouteille consommée a enregistré une importante baisse dans presque toutes les régions du monde ; sauf en Afrique et dans l’Asie-Pacifique. En l’espace de dix ans, cette dernière est passée de 22% à 13% en Europe de l’Ouest, de 16% à 12% en Amérique du Nord, de 7% à 5% en Europe de l’Est, de 17% à 14% en Amérique centrale et latine ; gardant le même pourcentage au Moyen-Orient (8%). Mais curieusement, cette consommation d’eau en bouteille a plutôt augmenté en Afrique et dans l’Asie-Pacifique, passant respectivement de 3% à 5% et de 26% à 42%, selon les données 2018 de Zenith Global Limited.
Ce recul de la consommation de l’eau embouteillée dans certaines régions du monde ne signifie pourtant pas que la consommation mondiale de ce produit de première nécessité a globalement baissé. Que non. Bien au contraire, elle a plutôt cru de 52,1%, passant de 215 milliards de litres en 2007 à 412 milliards de litres d’eau embouteillée en 2017. L’Afrique qui a donc consommé 5% (20,6 milliards de litres) de cette grande quantité d’eau en bouteille écoulée en 2017 progresse sans doute en matière de consommation de cette denrée, puisqu’elle a presque doublé celle-ci en dix ans.
Ce qui fait d’elle (même si elle occupe encore la dernière place), l’un des espaces favorables à l’épanouissement de la vente de l’eau potable en bouteille au monde. Le marché africain de l’eau embouteillée vaudra au moins 15 milliards de dollars d’ici 2024.
Plusieurs indicateurs récents permettent d’ailleurs de miser sur le plus vieux des continents comme étant l’un des prochains gros marchés de l’eau embouteillée dans le monde. Parmi ceux-ci, le rapport du cabinet d’étude Transparency Market Research datant de 2018, qui indique à ce sujet que l’Afrique et l’Asie-Pacifique sont les seules régions où une très forte progression sera observée sur la période allant de 2017 à 2024. La forte croissance de la démographie et la montée en puissance de la classe moyenne en sont les principales raisons.
D’après l’enquête de cette firme mondiale spécialisée dans les études de marché, analyses et enquêtes ayant des bureaux en Inde et aux Etats-Unis, la demande en eau embouteillée va connaître une croissance annuelle de 6,44% à travers le monde entre 2017 et 2024. Le marché africain de l’eau en bouteille ne passera pas évidemment à côté de cette forte progression, comme le démontrent si bien plusieurs études y relatives. De 198,5 milliards de dollars US en 2017, le marché mondial de l’eau en bouteille vaudra 307,2 milliards de dollars US en 2024, d’après l’évaluation de Transparency Market Research. Tout comme, apprend-on, la demande atteindra 528,2 milliards de litres d’eau en bouteille, selon la même institution, contre 412 milliards de litres selon le rapport 2018 de Zenithe Global Limited.
Alors qu’elle pesait déjà 5% du marché d’eau embouteillée en 2017, l’équivalent d’environ 10 milliards de dollars US, l’Afrique pourrait peser exactement 13 milliards de dollars d’ici 2024 au cas où sa consommation restait au même niveau. Ce qui est, bien sûr, impossible. Puisque la récente enquête de Transparency Market Research, sur la question, nous apprend que le continent africain et l’Asie-Pacifique sont les seules régions du monde qui connaitront une forte progression (en termes de demande) dans les prochaines années sur ce marché.
Même s’il n’a pas été possible d’avoir le chiffre exact du poids de l’Afrique sur ce marché d’ici 2024, il est tout de même possible de déduire que la région Asie-Pacifique, qui compte en son sein deux pays densément peuplés que sont l’Inde et la Chine, dépassera le marché américain (USA) dont le poids en 2017 était évalué à 59,4 milliards de dollars (contre 54,3 milliards de dollars pour l’Asie-Pacifique). Avec une progression de la demande de 8,4% par an de 2017 à 2024, les experts soutiennent que cette région pèsera à elle seule 95,2 milliards de dollars sur ce marché de l’eau en bouteille à l’échelle mondiale.
La pénurie d’eau en Afrique, couplée à la croissance rapide de sa population, rend intéressant l’investissement dans la production de l’eau en bouteille…. A côté de ces données statistiques sur l’ampleur que le marché de l’eau en bouteille est appelé à connaître dans le monde et en Afrique, dans les prochaines années, toute une série de facteurs plaident également en faveur de l’explosion de la production et de la distribution de cette denrée alimentaire sur le continent. La géographie, le climat et la croissance rapide de la démographie africaine ; l’exode massif des jeunes africains vers les grandes villes ; l’inadéquation entre les besoins des populations et le système de fourniture d’eau potable ; une classe moyenne en pleine croissance ; et enfin, la menace de plus en plus importante de la pénurie d’eau sur le continent, en font partie.
S’agissant de la géographie, du climat et de la démographie galopante du continent, plusieurs rapports renseignent qu’environ 40% de la superficie de l’Afrique (estimée à 30 millions de km2) est constitué de terres arides ou semi-arides et de près de 30% de zones désertiques (arides). Par conséquent, plus de 300 millions des 1,21 milliard d’habitants que compte le continent vivent dans des environnements où l’eau est rare, comme l’indique si bien la Banque mondiale.
Autre élément à considérer, le climat du continent qui explique en partie le phénomène de la « soif » de l’eau. Doté d’un climat tropical (chaud et humide), l’Afrique n’échappe pas à la sécheresse sur une bonne partie de son territoire, fruit des effets néfastes des changements climatiques. Dans un tel espace, l’eau de source ne peut qu’être difficile à trouver. Ce qui constitue à n’en point douter une belle opportunité d’affaires pour les entrepreneurs, à la recherche d’opportunités d’investissements.
En dehors du climat et de certaines réalités géographiques du continent, l’Afrique est l’unique région du monde où la population croit très rapidement. Ce qui implique qu’il faudra des quantités d’eau importantes pour satisfaire les besoins de cette dernière. Avec ses 1,21 milliard d’habitants depuis 2016, l’Afrique devrait avoir une population globale de 2,4 milliards de personnes d’ici 2050, selon certaines études (ONU, Banque mondiale, etc). Et entre 2015 et 2050, cette population enregistrera une croissance de 3% par an.
Dans son rapport de 2017, l’ONU précise d’ailleurs que le vieux continent aura une population de 4,5 milliards de personnes d’ici 2100, soit 43% de la population mondiale. Cette évolution rapide de la démographie ne manquera pas, d’après les experts, d’impacter fortement la demande en eau embouteillée. Tout le monde parle aujourd’hui de cette forte pression des populations des zones rurales sur les villes, évoquant les défis que cela pose aux autorités locales, mais l’on n’évoque pas assez cette opportunité d’investissement qui se cache derrière la migration massive des populations des zones rurales vers les grands centres urbains.
Dans le cas de la production de l’eau en bouteille, cela semble en être une. Ayant en leur sein près 120 millions d’habitants dans les années 1980, les villes africaines abritent aujourd’hui près de 400 millions (40% de la population) de citadins, selon Mc Kinsey Research. Presqu’au même niveau que la Chine (45%), mais beaucoup plus que l’Inde (30%), les pays les plus peuplés de la région Asie-Pacifique. Ce qui est une aubaine pour les producteurs et distributeurs d’eau embouteillée.
Enfin, l’inefficacité des systèmes publics d’approvisionnement en eau potable, la classe moyenne africaine en pleine croissance (plus de 300 millions de personnes, selon un rapport de la BAD), la menace de pénurie d’eau en Afrique subsaharienne (d’ici peu, la plupart des pays de l’Afrique noire seront en deçà du niveau auquel l’approvisionnement en eau sera suffisant pour tous, selon le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) , etc, font aussi partie des facteurs pour lesquels investir dans la production et la distribution de l’eau en bouteille est absolument une bonne affaire.
Spectatrice sur son propre marché ?
Les multinationales spécialisées dans la production agroalimentaire l’ont bien compris. Nombre d’entre elles, dont le cœur de métier est la production des sodas et produits laitiers, n’ont pas hésité à diversifier leurs activités ces 20 dernières années, pour investir densément dans la production de l’eau en bouteille. L’Afrique, continent de 1,21 milliard de consommateurs potentiels, ne leur a pas échappé. Que ce soit des groupes comme Nestlé (Suisse), Danone (Français), ou Coca-Cola et PepsiCo (Américains) etc, tous exportent des milliers de tonnes d’eau embouteillée chaque année vers l’Afrique ou inondent le marché de leur produit à partir de leurs usines installées dans certains pays d’Afrique.
Le déploiement des grandes multinationales, qui contrôlent déjà plus de 70% de ce marché en Afrique, est un indicateur palpable de l’attractivité du marché africain de l’eau en bouteille. Car de l’Afrique du Sud au Maroc, en passant par le Nigéria, l’Ethiopie, le Kénya, l’Egypte, la RDC, le Cameroun, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal, le constat est partout le même : ce sont les grands groupes étrangers spécialisés dans la production de cette denrée hautement prisée qui tiennent la dragée haute.
En Afrique du Sud, où elle a acheté en 2000 deux entreprises d’eau de source (Valvita et Schoonspruit) pour un montant qui reste secret, la société Nestlé y distribue des eaux de ses marques à l’exemple de « Pure Life », sa marque phare. Idem pour le Nigéria, pays de 200 millions d’habitants ou encore le Ghana et le Kénya. Face à ces grands groupes qui se partagent l’énorme gâteau qu’est le marché africain de l’eau en bouteille, les producteurs locaux africains jouent pratiquement les observateurs. Pourtant ce marché, qui pèse actuellement près de 10 milliards de dollars US (selon Zenith Global Ltd), devrait avoir une valeur d’environ 15 milliards de dollars d’ici 2024 (selon nos propres calculs).
Dans des pays comme le Nigéria, le Cameroun, le Bénin ou encore la Mauritanie, ils sont nombreux à se contenter de la production quasi-artisanale de l’eau en sachet ou en bouteille ; lorsque leurs concurrents occidentaux innovent. Des producteurs locaux d’eau embouteillée tels que Semme Mineral Water (au Cameroun) ou Ciprem-CI (en Côte d’Ivoire) essaient de lever la tête ; mais demeurent confrontés à de nombreuses difficultés conjoncturelles.