Depuis l’entrée en vigueur de l’accord de Paris en 2016, la Banque africaine de développement (BAD) a investi 12,3 milliards de dollars dans des actions liées au climat et s’engage à mobiliser 25 milliards de dollars de financement climatique pour l’Afrique d’ici à 2025. Au cours de la période 2016-2019, l’Afrique a reçu 3% du flux mondial de financement climatique, soit 18,3 milliards de dollars grâce à des initiatives telles que le Fonds d’adaptation, le Fonds vert pour le climat, le Fonds pour l’environnement mondial et le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique. Il est évident que les investissements verts en Afrique restent insuffisants par rapport aux besoins.
D’après la Commission économique pour l’Afrique, la majeure partie des fonds mobilisés est paradoxalement dirigée vers des pays émetteurs de gaz à effet de serre. Les pays du G7 avaient pourtant pris en 2009 l’engagement de verser 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2025, pour aider les pays pauvres à réduire leurs émissions.
Placer l’Afrique au cœur de l’agenda climatique mondial est un impératif, recommande la CEA. Le continent ne génère que 4% du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), soit le pourcentage le plus faible de toutes les régions du monde, pourtant son développement socio-économique est menacé par la crise climatique. Le continent subit le plus gros des conséquences : insécurité alimentaire, déplacements de populations, pénurie d’eau et aussi plus de la moitié des pays africains sont susceptibles de connaître des conflits liés au climat.
Dans un tel contexte, alors que les besoins d’investissement découlant des Contributions déterminées au niveau national sont estimés à 2 800 milliards de dollars d’ici 2030, les fonds investis sur le continent ne représentent encore qu’une part limitée des flux financiers verts mondiaux, soutient la BAD, qui ajoute que la part spécifique couverte par le secteur privé reste limitée. Selon Ecofin, qui cite un rapport du Centre mondial pour l’adaptation (GCA), les ressources attendues pour l’adaptation aux changements climatiques en Afrique jusqu’en 2030 s’élèvent à 52,7 milliards de dollars par an. Pourtant, seulement 11 milliards de dollars ont été mobilisés en 2020, dont 97% provenant du secteur public.
Les conditions pour attirer le secteur privé dans le financement climatique portent aussi sur l’amélioration des systèmes de gouvernance. L’agence Ecofin note à ce propos des « incertitudes persistantes concernant les risques et la rentabilité des investissements en matière d’adaptation aux changements climatiques, particulièrement en Afrique où les revenus des populations demeurent assez modestes », dans une dépêche mise en ligne le 10 mai dernier. Si les investisseurs estiment souvent que les risques associés aux investissements dans les pays émergents et surtout en développement sont trop élevés, le financement privé en faveur du développement durable dans ces régions a néanmoins atteint un niveau record de 250 milliards de dollars en 2021.
Il est primordial d’augmenter les capitaux privés pour financer des projets phares d’infrastructure à faible émission de carbone, en particulier dans les pays moins développés,
recommande une analyse publiée en octobre 2022 sur IMFBlog, espace où les services du Fonds monétaire international (FMI) et les autorités des membres échangent leurs points de vue sur l’économie mondiale.
Défi majeur et opportunité donc, apprend-on, la question de l’innovation va se poser dans des industries comme la cimenterie, la sidérurgie, les produits chimiques et les transports lourds, où les émissions ne peuvent pas être réduites aisément en raison des coûts et des contraintes technologiques que cela représente. Il s’agit donc de
faire en sorte que ces industries à forte intensité de carbone, qui sont aussi celles qui peuvent potentiellement réduire le plus les émissions de gaz à effet de serre, ne soient pas délaissées par les investisseurs, mais au contraire encouragées à améliorer leur bilan carbone au fil du temps,
prône l’analyse publiée par IMFBlog. Transférer des technologies respectueuses de l’environnement aux pays africains.
Mais il faut trouver des modèles alternatifs de financement climatique loin des instruments de dette. La question y relative que soulève la BAD est, comment augmenter les investissements climatiques sans accroître l’endettement des pays africains ? Le continent est demandeur de subventions, et pas seulement de prêts qui aggravent le fardeau de sa dette. On observe que les instruments de dette, les prêts concessionnels affluent en Afrique classés dans la catégorie des financements climatiques :
Jusqu’à 60 % des financements climatiques entrant en Afrique étaient des instruments de dette. Pourtant, les pays africains n’ont pas causé le problème du financement climatique,
fait observer Kevin Urama, économiste en chef par intérim et Vice-Président de la BAD.
L’idée est de renforcer le rôle des institutions financières dans la lutte contre le changement climatique. L’Initiative des banques vertes est un outil pour réduire les coûts de financement et mobiliser les investissements du secteur privé dans l’action climatique en Afrique. En septembre 2019, la Development Bank of South Africa (DBSA) et le Fonds vert pour le climat (FCV) annonçaient le lancement de la toute première banque verte d’Afrique. Baptisée Climate Finance Facility (CFF), institution, première du genre dans un pays en développement, dotée alors d’un capital de plus de 100 millions de dollars.
Les banques multilatérales de développement et les institutions financières internationales ont leur rôle à jouer pour permettre aux institutions financières locales de développer des projets verts et de faciliter leur accès aux ressources. Une évaluation de la BAD et des fonds d’investissement climatiques sur le potentiel des banques vertes dans six pays africains : le Bénin, le Ghana, le Mozambique, la Tunisie, l’Ouganda et la Zambie a révélé que les banques vertes présentent un fort potentiel d’attraction pour de nouvelles sources de fonds lorsqu’il s’agit de soutenir un développement à faible émission de carbone et résilient aux changements climatiques.
Le préalable toutefois est de garantir la disponibilité de données climatiques de qualité et encourager l’adoption de normes de transparence pour créer un climat d’investissement attractif. « Renforcer l’architecture d’information sur le climat », recommande un expert. Un enjeu majeur pour améliorer les projets, leurs financements, mieux répondre aux besoins, et à terme, rehausser les stratégies des États.