La localité de Bomono, dans le département du Moungo, région du Littoral, a été retenue pour abriter la toute première usine de fabrication de pneus Made in Cameroon. Cependant, la production de pneus ne devrait être effective qu’en 2025, année prévue pour la fin des travaux de construction des infrastructures, dont le démarrage est annoncé pour octobre prochain, d’après les promoteurs de ce projet.
Les deux types de pneus qui seront produits et vendus à terme, sous la marque commerciale « Afri Star », sont les pneus Tbr pour les véhicules poids lourd et les pneus Pcr, ces derniers étant destinés aux véhicules de tourisme, a-t-on appris à bonne source. Ce sera la toute première marque de pneus fabriqués sur le sol camerounais par des Camerounais employés par la Cameroon Tyres Factory (CTF), la nouvelle entité qui devrait bientôt voir le jour dans le cadre de ce projet.
La Cameroon Tyres Factory est annoncée comme une nouvelle filiale du Groupe Neptune Holding Company, spécialisée jusqu’ici dans la distribution et la commercialisation des carburants et produits dérivés à travers le territoire national. Il s’agit d’une entreprise à capitaux camerounais, dont le capital est d’un milliard de francs CFA selon nos sources.
Reçu en audience le 29 avril dernier par le ministre du Commerce, en présence des représentants de son partenaire finlandais, le directeur général de CTF, Antoine Ndzengue, qui n’est autre que le président directeur général du Groupe Neptune Holding Company, a exposé aux autorités camerounaises les contours de ce projet dont il est le principal promoteur.
L’on apprend que le coût total des investissements à opérer est de 600 millions d’euros, soit 400 milliards de francs CFA.
C’est une grande fierté pour nous de savoir que la Cameroon Tyres Factory va aider la CDC à relancer sa production. Ce qui nous permettra d’implémenter l’import-substitution. Le gouvernement ne ménagera aucun effort pour vous accompagner à sécuriser ce marché. Avec la Zlecaf [Zone de Libre Échange Continentale Africaine], c’est très important. Notre engagement est de fabriquer des produits de bonne qualité. Votre partenariat avec la CDC dans le cadre de ce projet lui ouvre de nouvelles portes,
a affirmé le ministre Luc Magloire Mbarga Atangana.
Plus de 2000 emplois directs, pour une production annuelle de 4,6 millions de pneus
La société Structure Finance Group (SFG), une filiale de la Société Générale, est en charge de la structure financière et de la syndication du financement du projet, auquel participent la Banque de Développement des États de l’Afrique Centrale (Bdeac), et de quelques banques commerciales implantées au Cameroun, notamment Ecobank Cameroun, Afriland First Bank, Bgfi Bank Cameroun, et Bank Atlantique Cameroun. La capacité de production projetée à terme est de 4,6 millions de pneus par an, dont 600 000 pneus pour Tbr et 4 millions pour Pcr.
Mais, en attendant le démarrage effectif de la production de sa propre marque, “Afri Star”, CTF commercialise le pneu “Double Star” avec l’expertise technique et technologique de Double Star Industry, qui cumule cent ans d’expérience dans l’industrie pneumatique, et est la première smart Tyre Factory du monde.
Le projet CTF va générer 2500 emplois directs et au moins 5000 emplois indirects. Mais les retombées les plus importantes demeurent le transfert de nouvelles technologies au profit des ingénieurs ou des ouvriers nationaux, à travers leur formation et l’encadrement des producteurs d’hévéa, dans le cadre des initiatives de sous-traitance locale que génèrent de tels projets.
Une bonne brochette des entreprises locales, Petites et moyennes entreprises (Pme) et Petites et moyennes industries (Pmi) confondues, vont exécuter des prestations et des contrats relevant de la sous-traitance. Toujours sur le plan socioéconomique, la vente des pneus neufs de qualité premium à des prix attractifs, devrait contribuer au renforcement de la sécurité routière par la réduction des accidents dus aux pneus usagés, dans un pays où des milliers de morts sont enregistrés chaque année sur les routes.
Un pays où, par ailleurs, le marché de pneus d’occasion en provenance d’ailleurs prolifère même si leur importation est moins taxée que celle des pneus neufs. En effet, d’après une décision signée le 24 avril 2019 par le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, il faut débourser 6 millions de FCFA d’impôts pour chaque conteneur de pneus usés de 20 pieds contre 10 millions de FCFA pour les pneus neufs.
Quid des pneus neufs ? L’imposition appliquée pour chaque conteneur de 20 pieds pour les véhicules de tourisme est de 10 millions de FCFA, et de 22 millions de FCFA par conteneur de 40 pieds de pneus. Pour les véhicules utilitaires légers (camionnettes), camions et autobus, l’impôt est de 11 millions de FCFA par conteneur de 20 pieds et de 22 millions de FCFA par conteneur de 40 pieds.
Relancer la production locale de l’hévéa et booster la CDC
Située à trente kilomètres de Douala, la capitale économique et le centre industriel camerounais, Bomono, fait face à l’enclavement comme nombre d’autres communes rurales. Il va donc falloir, en dehors de l’attribution foncière en vue de l’expansion de l’agriculture (plantation de l’hévéa), investir dans la viabilisation du site d’implantation de la CTF. C’est du moins le vœu exprimé par le promoteur de ce projet, hormis les mesures spéciales qui devront être adoptées en vue d’accompagner et de protéger les investissements à venir.
Bomono est aussi l’une des localités agricoles où la Cameroon Development Company (CDC) possède des plantations de palmiers à huile et d’hévéa. C’est ce qui en partie justifie que cette société agro industrielle ait été choisie comme partenaire de choix dans ce projet. En effet, c’est elle qui devrait fournir le caoutchouc, la matière première devant servir à la fabrication de pneus.
C’est en outre ce qui explique l’implication du directeur général de cette société à la récente audience accordée par le ministre du Commerce. Pour l’occasion, Franklin Ngoni Njié a salué l’aubaine que représente ce partenariat entre la CTF et son entreprise, celle-ci ayant clôturé l’exercice 2021 avec un résultat net déficitaire de 4,5 milliards de FCFA. Une piètre performance due à plusieurs facteurs : « La CDC souffre encore de la période du Covid-19, de la crise russo-ukrainienne, de la baisse des cours mondiaux des matières premières, ainsi que du climat d’insécurité dans les zones anglophones. L’arrivée de la CTF va donner un coup de fouet aux activités de la CDC », a avoué le manager.
Sur un plan politico-économique, ce projet est fort salué par les pouvoirs publics, car il contribue à la réalisation des objectifs du Cameroun dans le cadre de la Stratégie Nationale de Développement (SND 30-émergence 2035). Il participe par ailleurs à l’implémentation de la politique d’import-substitution prônée ces dernières années par le gouvernement camerounais pour réduire le poids des exportations et leur impact sur les finances publiques. Cette politique met un point d’honneur à la transformation locale des produits de l’agriculture pour surmonter l’épreuve de l’inflation et anticiper sur la famine.
En l’espèce, il s’agit de l’hévéa cultivé dans les régions du Sud-Ouest et du Littoral. En 2020, le Cameroun a produit 60 000 tonnes de caoutchouc contre 45 000 tonnes en 2019 soit une augmentation de 15 000 tonnes. La production locale serait probablement au-dessus de cette estimation, n’eût été la crise sécuritaire qui sévit depuis sept ans dans les deux régions anglophones du pays. Un conflit armé qui a anéanti les acquis et compromis les perspectives.