Aucun patrimoine touristique camerounais ne figure dans le top 10 du classement des sites touristiques les plus en vue sur le continent. Pourtant, ce n’est pas faute pour ce pays aussi appelé « Afrique en miniature » de regorger des sites aussi monumentaux que les chutes du lac Victoria au Zimbabwe (3ème en Afrique), les îles aux épices de Zanzibar en Tanzanie (4ème), ou encore le parc de Serengeti en Tanzanie et au Kenya et la grande mosquée de Kairouan en Tunisie, classés respectivement 5ème et 6ème.
Du nord au sud et de l’est à l’ouest, les patrimoines d’attraction foisonnent dans ce pays d’Afrique centrale. A l’instar de la plage de Yoh-Yoh, par Mouanko, des pittoresques chutes d’Ekol-Nkam et de la Lobé, ou encore le port négrier de Bimbia, un patrimoine écotouristique situé sur les rivages de l’océan Atlantique, et celui de Nichols Island, dans la commune d’Idenau, arrondissement de Limbé III.
C’est depuis les côtes de l’île de Nichols que près de 166 navires négriers embarquèrent des esclaves sélectionnés dans plusieurs pays pour des destinations étrangères. Bimbia et Nichols Island sont chargés d’histoires. Ils sont aussi réputés que l’île sœur de Gorée au Sénégal, un autre port d’embarquement des esclaves à destination de l’Amérique ou d’Europe, à l’époque de la traite négrière.
Les chutes de la Lobe ont la réputation d’être uniques au monde : leurs eaux se jettent directement à la mer. Les plages dites « sauvages » de Yoh-Yoh sont les seuls du genre au monde, tandis que le village camerounais Debundscha, près de la localité de Bakingili et de la ville de Limbe, enregistre la plus forte pluviosité au monde. Les plateaux des monts Mandara ou les hauts plateaux de l’Ouest, ou encore le château d’eau de l’Adamaoua sont d’autres curiosités.
L’urgence d’investir dans les voies communication inexistantes ou défectueuses
Pourtant, ces sites touristiques demeurent peu fréquentés par les touristes, qu’il s’agisse d’internationaux ou de nationaux. Les images d’un documentaire tourné il y a quelques années sur le site de Bimbia en sont une preuve patente. Des touristes tout comme les documentaristes se frayaient à peine le chemin vers le pic d’un des versants du mont Cameroun, s’agrippant quelquefois à des lianes ou serpentant à travers des buissons, à leurs risques et périls.
Cet état de choses est dû à l’absence de valorisation ou l’insuffisante valorisation de ces patrimoines. Le gouvernement n’a pas mobilisé les moyens et les investissements nécessaires pour leur viabilisation. Les routes desservant ces localités laissent à désirer. Les structures d’accueil ne sont pas aménagées à proximité des sites.
Certes, le nombre d’arrivées sur le territoire camerounais a presque doublé entre 2008 et 2012, où le pays en a accueilli respectivement 487 000 et 817 000, toutes choses qui lui ont valu son obtention du statut de destination touristique en 2010. Toutefois, les investissements conséquents n’ayant pas suivi, la contribution du secteur touristique à l’économie du pays demeure encore très faible.
En 2002 par exemple, le tourisme représentait seulement 2,5% du produit intérieur brut (PIB) du Cameroun. Ce chiffre a drastiquement chuté pour ne se situer qu’à 1,8% en 2005. La réalité est quasi similaire dans les autres pays de la sous-région Afrique centrale, mais plus largement en Afrique subsaharienne, où le faible rendement du tourisme est considérable. Il n’existe même pas encore une véritable industrie touristique dans la plupart de ces pays.
On comprend dès lors pourquoi le pays des Roger Milla, Samuel Eto’o, Manu Dibango et de bien d’autres sommités, n’occupe que la 26ème place dans un tableau classant 50 pays africains selon la promotion de leur image en ligne via les réseaux sociaux.
Tout juste devant le Malawi et le Zimbabwe, et derrière la Gambie. Le Mali (29ème), est aussi parmi les mal classés, bien qu’abritant les villes historiques Gao et de Tombouctou, classées patrimoines mondiaux de l’Unesco. Le trio République démocratique du Cogo, Sud-Soudan et République centrafricaine (RCA) ferment la queue du classement. Ils sont respectivement 48ème, 49ème et 50ème. En revanche, l’Egypte, l’Afrique du Sud, le Maroc, la Mauritanie et la République Unie de Tanzanie trônent parmi les cinq premières destinations les plus attractives du continent.
L’Egypte ambitionne l’accueil de 28 millions de touristes par an jusqu’à 2028
Première destination touristique d’Afrique, l’Égypte n’a pas cessé d’attirer les amoureux des voyages de découvertes en dépit des années d’instabilité qui ont précédé et suivi la chute de l’ex-président Hosni Mubarak. Le pays a accueilli 8 millions de visiteurs rien qu’au premier semestre 2023, dont le pic de 1,35 million au mois d’avril.
Le pays des pharaons et des pyramides envisage d’atteindre 30 millions de touristes grâce à la hausse du trafic dans ses aéroports. L’information a été confirmée par le ministre du Tourisme et des Antiquités, Ahmed Issa Taha. L’effet Covid a été perceptible : le nombre de touristes a chuté de 13,9 millions en 2019 à 3 millions en 2020 avant de reprendre sa courbe ascendante dès l’exercice 2021-2022 notamment au cours des neuf premiers mois de celui-ci, où le pays a enregistré une hausse de recettes touristiques de 164,52%.
Au premier trimestre de 2022-2023, les recettes touristiques égyptiennes ont augmenté de 43,5% pour atteindre un record de 4,1 milliards de dollars, selon la Banque centrale égyptienne. Si les autorités égyptiennes ont un moment redouté de possibles effets néfastes découlant de la guerre russo-ukrainienne, ces deux pays contribuant beaucoup aux flux touristiques, le pays du général Al-Sissi a su redresser la pente en enregistrant 8 millions et 11,7 millions d’arrivées en 2021 et 2022 respectivement. Les autorités prévoient 15 millions d’arrivées à la fin de cette année pour battre le record de 14,7 millions de touristes internationaux franchi en 2010.
D’importants investissements sont réalisés dans ce pays du Maghreb pour rendre le secteur touristique plus attractif et capter des devises. En 2018, le ministère égyptien de l’Investissement annonçait que le
Prince saoudien Alwaleed bin Talal, en partenariat avec l’homme d’affaires égyptien Hisham Talaat Moustafa, allait mobiliser environ 800 millions de dollars, à travers Kingdom Holding Company, pour soutenir le secteur touristique. L’enveloppe allait servir à l’élargissement du complexe hôtelier Four Seasons, situé dans la station balnéaire de Sharm el-Sheikh.
Il était également annoncé le lancement de deux nouveaux hôtels dans la cité touristique d’al-Alamein sur la côte méditerranéenne, et à Madinaty. Un complexe résidentiel situé à l’est du Caire. En 2018, le prince dont le patrimoine est estimé à 18 milliards de dollars, était déjà propriétaire d’au moins 40 hôtels en Egypte, sans compter les 18 autres établissements alors en construction.
Sur un autre plan, en janvier 2023, l’Egypte a assoupli les règles d’obtention de visas visiteurs au profit de 180 nationalités. De janvier à octobre 2022, le pays a engrangé des revenus de 4,1 milliards de dollars générés par le tourisme, selon la Banque centrale du pays.
Le nouveau musée du Caire s’inscrit dans la stratégie gouvernementale de rendre le secteur touristique plus attractif. Encore appelé « Grand Musée égyptien » ou « Grand Egyptian Museum » (GEM), cette infrastructure a engouffré une grosse enveloppe et son ouverture partielle était prévue en 2018. L’ambition du pays est de stimuler le tourisme de 30% par an jusqu’à 2028 à travers la mise en œuvre de procédures et de plateformes numériques. Et ce faisant, atteindre un taux de croissance de 28% en 2022, avec 11,7 millions d’arrivées.
Le Maroc investit 27 milliards de DH de 2023 à 2026 et veut encaisser 120 milliards DH en devises dans trois ans
Comme son voisin égyptien, le secteur touristique marocain a traversé deux années de crise dû à la pandémie. La réouverture des frontières en février 2022 a favorisé la reprise des arrivées touristiques et la hausse du volume des investissements locaux et étrangers. Ils ont dépassé le niveau de 2019, l’année d’avant-crise, s’établissant à 8,5 MMDH contre 5 MMDH durant l’année de référence.
Le pilotage du secteur touristique au pays de l’Atlas ne se fait pas à vue. Il est adossé sur la vision gouvernementale appuyée sur une feuille de route déployée en deux phases. Lancée à Marrakech en 2010, la seconde, baptisée « Vision 2020 », étalée sur la décennie 2010-2020, avait pour ambition de multiplier par deux la taille du secteur touristique, soit 20 millions d’arrivées.
Ces objectifs n’ont pas été atteints. Ils consistaient à construire 200 000 nouveaux lits touristiques à travers le pays, accueillir 20 millions de touristes internationaux, réaliser des recettes touristiques de 140 milliards de DH en 2020, soit une somme cumulée sur la décennie (2010-2020) proche de 1 000 milliards de DH.
Actuellement de 7%, la contribution du secteur au PIB du pays devait croître de 2%, pour atteindre près de 150 milliards de DH contre 60 milliards en 2010. Le Maroc escomptait la formation de 130 000 jeunes dans l’hôtellerie ; créer plus de 470 000 emplois touristiques directs sur la période 2010-2020, dans la perspective d’employer au terme de la décennie près d’un million de Marocains.
En 2019, seulement 13 millions de touristes ont visité le royaume chérifien, soit 7 millions de moins que l’objectif que l’Exécutif s’était assigné en 2010. La ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Economie sociale et solidaire, Fatim-Zahara Ammor, dans un discours de cadrage en mars 2022, avait reconnu une situation assez précaire :
En 2010, le déploiement de la vision Tourisme 2020 devait permettre d’atteindre un nouveau palier de croissance, avec l’ambition d’accueillir 20 millions de touristes. Le bilan est cependant mitigé, en raison de plusieurs facteurs, notamment un problème de gouvernance, résultant d’un manque de coordination entre les départements ministériels concernés, ainsi qu’entre les niveaux central et régional, un déficit de synchronisation entre l’offre et la demande, une dispersion des efforts et des ressources, et la non-mobilisation d’une part du budget prévu pour la promotion et le soutien.
« Deux années de Covid, des frontières fermées, des professionnels désarmés, et une incertitude totale quant à l’avenir du secteur. Face à cette situation critique, notre département s’est immédiatement lancé dans un dialogue constructif avec les professionnels du secteur privé, dans le but de bâtir ensemble un plan d’actions ambitieux pour résister, relancer et réinventer notre industrie touristique », ajoutait-elle.
En revanche, la vision 2010, la toute première, avait largement dépassé les objectifs. En 2001, année de lancement, le Maroc n’avait attiré que 4,4 millions de touristes. L’objectif était alors d’en attirer 10 millions en 2010. Un objectif atteint à 93%, soit 9,29 millions, grâce aux investissements.
La nouvelle feuille de route 2023-2026 consacre 27 milliards de DH d’investissement sur trois ans pour attirer 17,5 millions de touristes, engranger 120 milliards de recettes en devises ; créer 80 000 emplois directs et 120 000 indirects. Par ailleurs, le gouvernement s’engage à mobiliser 6,1 milliards de DH pour son déploiement.
Huit milliards de DH ont été investis en 2022 dans le secteur touristique marocain dont la capacité litière actuelle de 285 000 lits. Le pays a enregistré une hausse de +192% par rapport à la même période en 2021, avec environ 10,9 millions d’arrivées. Le taux de récupération est de 84% contre une moyenne mondiale de 60% par rapport à la même période de 2019. Les recettes en devises étaient de 91 milliards en augmentation de 16% toujours comparaison à 2019.
L’Afrique du Sud cherche des ressources pour résoudre sa question énergétique
Depuis qu’elle gagné le challenge d’accueillir sa toute première Coupe du Monde de Football, en 2010, le secteur touristique Sud-africain enregistre une courbe croissante. Fin mars 2022, lors de la Conférence sur l’investissement en Afrique du Sud, des partenaires internationaux du pays avaient promis 20 milliards de dollars d’investissements pour soutenir le tourisme.
Malgré l’impact de la pandémie, au moment de la troisième Conférence sur l’investissement en Afrique du Sud en 2020, nous avions enregistré des engagements en matière d’investissement pour un total de 774 milliards de rands,
se félicitait alors le président Cyril Ramaphosa.
Le modèle de ce pays de l’Afrique australe montre que le développement touristique est indissociable de la construction des infrastructures viables, gage de la croissance. Pretoria l’a compris en mettant un accent sur la résorption des problèmes d’accès à l’énergie.
C’est dans ce sillage que les pays du G7 ont promis 8,5 milliards US pour accompagner Pretoria dans sa promotion des énergies propres et la limitation de la dépendance au charbon. La Banque africaine de développement, elle, s’engageait à fournir 400 millions US. Quelques années plus tôt, le pays s’est fixé le challenge de réunir 100 milliards de dollars sur cinq ans dans le cadre dans sa stratégie de réformes et de relance économique.
Cela fait bientôt quatre ans que nous nous sommes lancés dans l’ambitieux projet de lever 1 200 milliards de rands de nouveaux investissements sur cinq ans,
avait ajouté le président.
300 millions de touristes attendus en Afrique en 2035, selon l’OMT
Globalement, l’Afrique a connu une croissance des plus remarquables : de seulement 14,7 millions de visiteurs en 1990, le continent a accueilli jusqu’à 26 millions de touristes internationaux en 2000 et 56 millions en 2014. Ces chiffres ont été révélés en 2017 à l’issue de la 8ème édition d’Investour, un forum d’investissement et des opportunités d’affaires en Afrique dans le domaine du tourisme
Ledit forum se tenait à l’occasion du salon FITU (IFEMA) qui est une foire internationale de promotion touristique dédiée aux professionnels de ce secteur et permettant au grand public de découvrir les destinations du monde ainsi que des opportunités existantes.
Le forum de 2017 avait abordé des thèmes liés à l’investissement dans le tourisme en Afrique, la technologie et l’innovation au service du développement de l’industrie, ou encore l’importance de la formation des femmes et de la jeunesse africaine dans le secteur touristique.
En 2017 justement, la filière en Afrique affichait une croissance de 8% comparée à 2016, soit environ 12% pour l’Afrique subsaharienne et 3% pour le Maghreb, en partie à cause de l’insécurité dans le Sahara, mais aussi du virus Ebola.
L’Organisation mondiale du tourisme (OMT) prévoit jusqu’à 300 millions de touristes internationaux en Afrique en 2035. Ethiopian Airlines figure parmi les 15 meilleures compagnies aériennes mondiales et est première d’Afrique.
Grâce à son rayonnement, la seule ville d’Addis-Abeba a accueilli 1 million de visiteurs en 2017, année internationale du développement du tourisme durable, et elle prévoyait d’en recevoir plus de 3,5 millions en 2018. C’est dire si des opportunités existent dans ce secteur clé du développement.