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Comprendre pourquoi l’Ohada s’intéresse à la comptabilité des églises et mosquées

A compter du 1er janvier 2024, et donc dans un mois précisément, les ordres confessionnels, chrétiens et musulmans confondus, recensés dans les 17 pays membres de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, seront astreints à l’obligation de tenir une comptabilité rigoureuse. En prélude probablement à leur soumission au régime des impôts. En octobre dernier dans son journal officiel, cette organisation a officialisé la décision du 53ème Conseil des ministres de cet espace des affaires, qui s’est tenu à Niamey les 21 et 22 décembre 2022. Il s’agit du 11ème Acte de l’OHADA.

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La décision avait été prise depuis la fin de l’année dernière, à l’issue du 53ème conseil des ministres de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), qui s’est tenu les 21 et 22 décembre 2022 à Niamey, au Niger. Pourtant, ce n’est qu’en octobre dernier que cette résolution formalisée depuis la mi-mars a été publiée dans le journal officiel de l’organisation régionale, avant de fuiter dans les médias ouest africains. 

Il s’agit de l’obligation qu’ont les églises et les mosquées de tenir désormais une comptabilité rigoureuse, et donc de rendre compte devant les services financiers des Etats de l’espace Ohada dans la perspective de s’acquitter éventuellement des taxes à l’avenir. Jusqu’ici, ces institutions sociales à but non lucratif n’étaient assujetties au paiement d’aucun impôt.

Dans un avenir proche, elles pourraient se voir contraintes de se plier à la même exigence fiscale que les autres organismes du même acabit, à savoir : les Organisations non gouvernementales (ONG), les associations, les projets de développement, ou encore les ordres professionnels, qui paient impôts et les taxes sur la valeur ajoutée (TVA). 

Selon les explications de l’Ohada, ce texte, qui est adopté comme le 11ème Acte normatif, vient en complément de l’Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière (Audcif) et permettra d’améliorer de manière significative la qualité de l’information produite au sein de l’espace Ohada.

Mais, beaucoup d’observateurs et analystes voient dans ce nouvel arsenal juridico-financier, une volonté manifeste des pays de l’Ohada de lutter contre le financement de tous genres d’activités jugées parallèles et illicites au sein de leurs territoires respectifs. C’est ce que soutient mordicus le site d’informations d’actualité et d’investigations béninois Banouto.bj.  

Il s’agit selon le site, de lutter contre

le financement des activités parallèles illicites liées tout aussi au financement du terrorisme, des bandes armées, des trafics transfrontaliers d’espèces touchant les ressources naturelles et bien d’autres.

Il faut dès lors voir dans cette décision un souci de traçabilité, d’assainissement et donc d’hygiène dans la gestion des finances (dépenses et recettes) des lieux de cultes sur le continent. Ces lieux de prière brassent d’importantes quantités d’argent. Les mosquées n’en sont pas épargnées.

17 pays africains concernés

Toutefois, Banouto.bj affirme que, s’agissant du cas Bénin, la décision « n’implique pas systématiquement le paiement des impôts ». Ceci dans la mesure où, dans ce pays comme dans nombres d’autres pays de l’espace Ohada, les églises, du point de vue juridique, constituent des associations cultuelles, à but exclusivement religieux, et donc non-lucratives, au titre de la loi de 1901. D’où leur exonération de tout paiement d’impôt. Tous les temples vouant un culte aux divinités et ayant un siège social sont soumis aux mêmes exonérations.

Vu sous cet angle, le champ d’application de l’Acte 11 de l’Ohada, libellé « l’Acte uniforme relatif au système comptable des entités à but non lucratif », en abrégé Sycebnl, pourrait se limiter au volet relatif à l’assainissement et à la traçabilité.

Cette grille de lecture est cependant balayée par un autre constat : l’annexion à l’Acte uniforme N°11 d’un système comptable. Or, à date, seules les institutions assujetties au système de la comptabilité publique ou à une disposition spécifique, notamment

les établissements de crédit, les établissements de micro finance, les acteurs du marché financier, les sociétés d’assurance et de réassurance, les organismes de sécurité et de prévoyance sociale

sont d’office exclus du Système comptable Ohada (Syscohada), conformément à l’article 5 de l’Acte uniforme Ohada.  

Les dix-sept pays africains membres de l’Ohada qui sont concernés sont le Bénin, le Burkina-Faso, le Cameroun, la RCA, la Côte d’Ivoire, le Congo, les Comores, le Gabon, la Guinée Conakry, la Guinée-Bissau, la Guinée Equatoriale, le Mali, le Niger, la RD Congo, le Sénégal, le Tchad et le Togo.

En Afrique, le Nigéria et la RDC se taillent la part du lion sur les quelque 140 millions de fidèles évangéliques

Selon le Conseil national des évangéliques de France (CNEF), les évangéliques (parmi lesquels les pentecôtistes) pourraient être estimés à 500 millions de personnes et représenter un quart des chrétiens dans le monde. Sur le continent africain, le CNEF évalue à 140 millions le nombre de fidèle de cet ordre chrétien. Le Nigéria et la République démocratique du Congo (RDC) compteraient respectivement 32 millions et 15 millions de chrétiens de cette obédience.

Les ordres religieux connus sous la dénomination « Les Assemblées de Dieu », compteraient à eux seuls, plus de 65 000 lieux de cultes en Afrique, pour près de 16 millions de fidèles, « alors qu’ils n’étaient que 12 000 en 1988 et 25 000 en 1999.

Le Nigéria, qui compte le plus d’adeptes (environ 2 millions) avait déjà, en 2005, envoyé à l’étranger 300 missionnaires », souligne l’anthropologue Mélanie Soiron Fallut, auteure d’une étude parue en juillet 2012, intitulée « Les églises de réveil en Afrique centrale et leurs impacts sur l’équilibre du pouvoir et la stabilité des Etats : les cas du Cameroun, du Gabon et de la République du Congo ». 

Dans ce contexte de foisonnement des églises en Afrique, leur reversement au régime des impôts serait une bouffée d’oxygène dans ce continent où des opportunités d’affaires et d’investissements existent, mais qui fait face, paradoxalement, au manque de ressources financières. Les prélèvements d’impôts pourraient par exemple être investis dans les voies de communication, mais aussi dans les œuvres sociales, où certaines de ces églises ont devancé l’Etat, mais opèrent sans la moindre traçabilité.

En tout état de cause, la décision est fortement saluée au sein des congrégations religieuses confessionnelles, comme l’Eglise catholique. Pour l’archevêque de Cotonou, Mgr Roger Houngbédji, une telle décision

amènera les églises et autres lieux de culte en Afrique à s’auto discipliner en matière économique et financière.

Il y voit, par ailleurs,

une opportunité pour la mise en scène publique de l’impact social de l’Eglise sur le continent.

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