Le transport aérien en Afrique pèse encore très peu à l’échelle mondiale. Mais, la forte croissance du PIB, l’urbanisation accélérée du continent et le développement des classes moyennes devraient cependant bouleverser la donne, analysent les spécialistes du secteur. L’IATA prévoit une croissance du trafic aérien de 5,7 % par an en moyenne jusqu’en 2034.
Le secteur offre en outre d’importantes opportunités d’investissements – estimées à plus de 160 milliards de dollars US pour la seule acquisition de nouveaux avions. Avec un taux de croissance considéré comme le troisième plus élevé au monde, le niveau de la demande sur le continent, en nette évolution, confronte les compagnies aériennes à des défis de capacités.
Un marché très prometteur
La flotte des compagnies aériennes devrait atteindre 1 560 avions d’ici les vingt prochaines années, selon le constructeur aéronautique Boeing. D’après son rapport d’étude CMO (Commercial market outlook) 2021, le géant américain projette que les compagnies aériennes du continent acquerront 1 030 nouveaux aéronefs au cours des deux prochaines décennies.
Soit une augmentation de 3,6 % par an. Ceci pour répondre à l’évolution du trafic qui comprend une croissance du nombre de passagers évaluée à 5,4 % par an. Les estimations quant aux types d’appareils indiquent des acquisitions portant sur
des jets monocouloirs qui devraient représenter plus de 70 % des livraisons commerciales, avec 740 nouveaux avions soutenant principalement la demande intérieure et interrégionale. En outre, les transporteurs africains devraient avoir besoin de 250 nouveaux gros porteurs, y compris des modèles pour passagers et pour le fret, afin de soutenir les liaisons long-courriers et la croissance du fret aérien,
renseigne le constructeur. Cet impressionnant carnet de commandes devrait coûter aux compagnies aériennes africaines la bagatelle somme de 160 milliards de dollars, sans compter les services après-vente (fabrication et réparation) évalués à 235 milliards de dollars.
Boeing justifie ses prévisions par la progression de certaines variables pertinentes qui stimuleront le développement de l’industrie aérienne en Afrique au cours des deux prochaines décennies. Notamment,
la croissance économique du continent qui devrait être de 3 % par an, l’initiative de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) et le marché unique du transport aérien africain qui stimuleront le commerce, le transport aérien et la coopération économique, l’évolution de la classe moyenne et la population active du continent qui devraient doubler d’ici à 2040, avec pour conséquence une augmentation de la demande de transport aérien.
Pour le constructeur européen Airbus, qui a 65% du marché africain des avions de ligne neufs, les compagnies aériennes du continent auront besoin de 1 100 nouvelles livraisons d’avions de transport de passagers et de fret d’ici 2040.
Cela portera la flotte totale à 1 440 appareils, contre 680 en 2019. Cela représente essentiellement une transition vers des appareils de nouvelle génération tels que l’A220, la famille A320neo, l’A330neo et l’A350, apportant une amélioration significative de l’efficacité et une réduction importante des émissions de carbone par passager.
La croissance de l’activité́ aérienne en Afrique d’ici à 2040 sera notamment portée par une augmentation moyenne du PIB de 2,8% CAGR sur la période. Un développement qui devrait s’appuyer, ces 20 prochaines années, sur le tourisme et le commerce inter-régional. Airbus prévoit que le trafic aérien en Afrique atteindra le niveau de 2019 entre fin 2023 et début 2025.
Une conjoncture favorable
À l’échelle mondiale, le fret dépasse déjà de 9% les niveaux d’avant la crise, et de plus de 23% sur le seul continent africain. Si le fret au départ et à destination de l’Afrique sera multiplié́ par 2,5 d’ici à 2040, le trafic passagers O&D sur le continent devrait plus que doubler (2,3) également sur la même période. Les transporteurs d’Afrique détiennent maintenant la même part du marché mondial de fret international que les transporteurs d’Amérique latine (2,4 %), annonçait l’IATA, qui regroupe quelque 290 compagnies aériennes.
En 2020, les transporteurs d’Afrique ont réalisé la plus forte croissance internationale parmi toutes les régions du monde. Pour le seul mois de décembre, la demande internationale, mesurée en tonnes-kilomètres de chargement (CTK), a augmenté de 6,3 % en glissement annuel.
De leur côté, les transporteurs du continent sud-américain ont enregistré une baisse de 20,3% des volumes de fret international.
La reprise du fret aérien dans la région a été affectée par les conditions économiques adverses dans des marchés comme le Mexique, l’Argentine et le Pérou.
La performance des transporteurs africains, quoique marginale, a été soutenue par le dynamisme de l’activité sur le corridor Afrique – Asie.
Ces perspectives s’expliquent par le fait que les moteurs fondamentaux de la demande de trafic restent inchangés : une croissance économique plus rapide que la moyenne mondiale, une population jeune et croissante, l’urbanisation et le développement de la classe moyenne.
Aussi, le potentiel du transport aérien en Afrique reste important en raison des infrastructures de transport terrestre limitées, de l’abondance des ressources naturelles qui facilitent le commerce et des nombreuses opportunités touristiques.
Au cours des dix dernières années, des améliorations significatives ont été́ apportées au secteur sur tout le continent, notamment la création du Marché unique du transport aérien africain (Mutaa) et la modernisation des flottes des compagnies aériennes nationales.
Ainsi, des transporteurs tels qu’Ethiopian Airlines, Air Sénégal, South African Airways, Air Cote d’Ivoire, EgyptAir, Uganda Airlines et Air Tanzania, exploitent aujourd’hui des appareils parmi les plus modernes et innovants au monde, comme l’A350, l’A330neo, l’A320neo et l’A220.
La capacité́ de l’industrie aéronautique à favoriser un développement économique en Afrique est indéniable, selon Airbus. Non seulement l’aviation permet aux populations de se déplacer, mais elle favorise également l’intégration régionale, crée des emplois et permet le commerce intérieur, intra-africain et mondial.
Un projet phare de l’agenda 2063
Le Marché unique du transport aérien africain (MUTAA) est un projet phare de l’agenda 2063 de l’Union africaine (UA), une initiative de l’Union africaine visant à créer un seul marché unifié du transport aérien en Afrique, à libéraliser l’aviation civile sur ce continent et à y impulser l’intégration économique. 11 États membres africains ont adhéré à la Déclaration et se sont solennellement engagés à l’entériner afin de créer le marché unique.
Ces 11 premiers États signataires qui se sont engagés sont: le Bénin, le Cap Vert, la République du Congo, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, l’Éthiopie, le Kenya, le Nigeria, le Rwanda, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe. La taille actuelle du Marché unique du transport aérien africain est comparable à la zone de libre-échange tripartite COMESA-EAC-SADC constituée de 26 pays et représentant une population de 527 millions de personnes, un PIB de 624 milliards de dollars et un revenu par habitant de 1 184 dollars US.
En termes de trafic aérien, parmi les dix aéroports d’Afrique les plus fréquentés en 2016, huit se trouvent dans le marché unique actuel, notamment : l’Aéroport international Oliver Tambo – Johannesburg, Afrique du Sud ; l’Aéroport international du Caire – Le Caire, Égypte ; l’Aéroport international de Cape Town – Cape Town, Afrique du Sud ; l’Aéroport international Murtala Muhammed – Lagos, Nigéria ; l’Aéroport international d’Hurghada – Hurghada, Égypte ; l’Aéroport international Jomo Kenyatta – Nairobi, Kenya ; l’Aéroport international de Sharm el-Sheikh – Sharm el-Sheikh, Égypte et l’Aéroport international Bole – Addis Abeba, Éthiopie.
Le nombre de pays qui ont signé l’engagement solennel représentent un espace important dans le marché unique, en termes de volumes de trafic et d’infrastructures aéroportuaires. En 2015, l’Afrique a accueilli 180 millions de voyageurs, dont plus de 56% sont passés par les aéroports de la zone actuelle du marché unique.
Les avantages de la création du Marché unique du transport aérien africain s’inspirent de la réussite de marchés libéralisés sur d’autres continents – le Marché unique européen du transport aérien et les marchés libéralisés des transports aériens latino-américains (Chili, Costa Rica et Brésil).
Le transport aérien peut ouvrir et relier les marchés, rendre les échanges commerciaux plus fluides et permettre aux entreprises africaines de s’intégrer aux chaînes d’approvisionnement mondiales. Il joue un rôle particulièrement important dans la production industrielle mondiale en flux tendus et permet aux marchés concernés de recevoir plus rapidement les produits frais des communautés agricoles.
Améliorer la connectivité aérienne contribue à accroître la productivité, encourage les investissements et l’innovation, améliore les opérations commerciales et leur efficacité industrielle et permet aux marchés concernés de recevoir plus rapidement les produits frais des communautés agricoles.
Le Marché unique du transport aérien africain repose donc sur une politique de libéralisation totale. Il est prévu que cette libéralisation améliore les niveaux de service aérien, renforce la concurrence entre les itinéraires, ce qui entraînera des tarifs plus compétitifs, stimulera le volume des trafics supplémentaires, favorisera le tourisme, le commerce, les investissements et d’autres secteurs de l’économie et entraînera un accroissement de la productivité et une augmentation de la croissance économique et de l’emploi.