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Industrie cinématographique : l’essor de la production africaine, une croissance limitée encore à quelques pays

La généralisation des nouvelles technologies, le coût abordable des équipements numériques, la montée en puissance des plateformes en lignes permettent aujourd’hui à l’industrie cinématographique africaine d’émerger. Toutefois, sous-exploitée, sous-développée, sous-financée, cette industrie est encore loin de rivaliser les concurrentes françaises, américaines, indiennes et asiatiques. Du moins pour ce qui est du box-office. L’Unesco affirme que le Nigéria et l’Afrique du Sud, les deux géants qui dominent le marché continental n’ont pu engranger, en 2017, que 101,6 millions de dollars US comparés aux 10,5 milliards de dollars engrangés par les Etats-Unis, 8,2 milliards de dollars US par la Chine ou 1,6 milliard de dollars US par l’Inde.

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Credit : unesco

De Lagos à Alger, de Johannesburg à Abidjan en passant par Accra, Nairobi ou encore Dar es Salam, ça tourne de plus en plus. Bref, depuis quelques années la production cinématographique du continent  a le vent en poupe. Un boom qui a débuté dans les années 90 et qui s’est amplifié dans les années 2000 et 2010 avec la montée en puissance de Nollywood, le surnom donné à l’industrie cinématographique nigériane.

En effet, le pays le plus peuple d’Afrique s’avère être également le premier producteur continental de films sur une base annuelle. Pas moins de 2599 films produits par an, à en croire un rapport de l’Organisation des Nations-Unis pour l’Education, la Science et la Culture (Unesco), intitulé « Industrie du film en Afrique : Tendances, défis et opportunités », présenté le 05 octobre 2021.

Le Ghana (600 films), le Kenya (500 films),  la Tanzanie (500 films) et l’Ouganda (200 films) sont également des places fortes du cinéma en Afrique. L’absence des nations comme l’Afrique du Sud (un peu plus de 89,6 millions de dollars générés par son industrie cinématographique en 2017) qui est avec le Nigéria le principal marché cinématographique du continent dans ce classement montre que le volume de production n’est pas le seul facteur déterminant.

Le Nigéria, un modèle ?

L’industrie du 7ème art en Afrique est alors dominée par le Nigéria et l’Afrique du Sud. Il s’agit d’un marché qui croit à une vitesse vertigineuse et qui pourra atteindre, à en croire les Nations-Unis, pas moins de 1,3 milliard de potentiels consommateurs avec la mise en œuvre effective de la Zone de libre-échange continentale africaine.

En 2017, des experts estiment que les revenus du box-office de Nollywood (Nigéria) ont totalisé environ 12 millions de dollars. Toujours dans ce pays, en 2016, le collectif Elfike (composé d’Ebony Life Film, Film one Entertainment, Inkbiot productions et Koga Studio) a produit  the « Weeding Party », qui a battu tous les records existants pour devenir le plus gros succès du cinéma nigérian à l’époque avec 1,5 million de dollars US de recettes. Depuis lors, d’autres films locaux comme « The Weeding Party 2 » en 2017, « Chief Daddy » en 2018, « King of Boyz « en 2018, ou « Sugar Rush » en 2019 se sont hissés en tête du box-office.

En dehors des salles de cinéma, les films de Nollywood sont également couronnés de succès sur les nouvelles plateformes de streaming comme Netflix. En effet, en  2020, le film « Oloturé » de Kenneth Gyang s’est retrouvé dans le top 10 des films les plus vus dans 25 pays lors de sa sortie sur Netflix. Un record égalé quelque mois plus tard par « La convocation » de Kunlé Afolayan.

Les réalisateurs nigérians et de la diaspora dont les films caracolent au box-office reçoivent alors une attention grandissante dans les festivals de cinéma du monde entier. Plusieurs films de réalisateurs  locaux comme « Confusion Na Wa » (2013) de Kenneth Gyang ou « 93 days » 2016 » de Steve Gukas ont été présentés dans des festivals tels que la Berlinale, le Festival international du film de Toronto et le festival du film de Durban pour ne citer que ces cas.

Afrique francophone

Tout aussi dynamique, mais loin d’égaler le Nigéria, « on observe en Afrique francophone un décollage de la production en quantité porté par le Sénégal et la Côte d’Ivoire, et les budgets qui ont énormément augmenté », explique au journal « Le Monde », Pierre Barrot, chargé de programme audiovisuel à l’Organisation internationale de la francophonie (Oif).

Ainsi, les séries au format de 52 minutes sont passées d’une douzaine d’épisodes en 25 ans (1992-2017) à une centaine d’épisodes en cinq ans (2018-2022), impulsées par Canal+ et TV5 Monde qui en assure la diffusion régionale. Mais ce format demeure moins vu localement que les classiques de 26 minutes, le plus souvent des feuilletons sentimentalo-familiaux, ou des comédies policières.

Alors qu’à l’image de « La colline parfumée », du mauritanien Abderrahmane Sissako, lauréat en 2002 du prix de la critique internationale lors du festival de Cannes, plusieurs tournages internationaux se sont récemment déroulés en Côte d’Ivoire. De nouveaux venus comme « Coups de la vie », du réalisateur et producteur ivoirien Franck Vlehi transforment même en profondeur l’industrie cinématographique du pays. C’est une nouvelle fiction intégralement financée par A+, une filiale du groupe français Canal+.

Egalement, à en croire le site « Art et critique.com » qui cite RFI, les cinéastes africains peuvent désormais compter sur l’appui des plateformes de streaming qui à l’image de Netflix ou d’Amazon sont de plus en plus nombreuses à miser sur le cinéma de l’Afrique francophone.

Peut mieux faire

La  généralisation des nouvelles technologies, le coût abordable des équipements numériques, la montée en puissance des plateformes en lignes permettent aujourd’hui à l’industrie cinématographique africaine d’émerger. Une croissance toutefois limitée à quelques pays.

En effet, les experts sont unanimes que le potentiel économique des secteurs du cinéma et de l’audiovisuel en général reste largement inexploité sur la quasi-totalité du continent. Il s’agit en fait d’une industrie qui reste embryonnaire, structurellement sous-exploitée et sous-développée. Selon l’Unesco, l’industrie du cinéma ne contribue, à date, qu’à hauteur de 05 milliards de dollars, au Produit intérieur brut (Pib) du continent et emploi environ 05 millions de personnes seulement.

Très loin des 20 milliards de recettes et des 20 millions d’emplois escomptés, toujours à en croire l’organisation onusienne. Des chiffres par ailleurs confirmés par la Fédération panafricaine des cinéastes (Fepaci).

Par ailleurs, d’après le rapport 2018 de « Framing The Shot : Key Trends In African Film », réalisé par Dayo Ogunyemi, fondateur de 234 média, en partenariat avec l’institut Goethe, si l’Afrique suivait l’exemple de la Chine et investissait massivement dans l’infrastructure cinématographique, les recettes annuelles du box-office pourraient atteindre 1,5 à 2 milliards de dollars US. Le rapport ajoute par ailleurs que 500 millions de dollars pourraient être captés, rien que par les marchés nigérian et Sud africain.

En 2017, les deux géants africains n’avaient pu engranger en termes de box-office que près de 101,6 millions de dollars US (12 millions pour le Nigéria en 2017, et un peu plus de 89,6 millions pour l’Afrique du Sud). Des chiffres très éloignés des 10,5 milliards de dollars US engrangés par les  Etats-Unis, des 8,2 milliards de la Chine ou des 1,6 milliard de l’Inde.

Défis à relever

Il est donc clair que l’industrie cinématographique africaine est loin de rivaliser les concurrentes françaises, américaines, indiennes et asiatiques. Surtout en matière de box-office. Des défis restent donc à relever.

Les premiers étant le déficit de financement de la part des structures publiques comme privées et la concurrence écrasante des pays étrangers. En effet, dans les salles de cinéma ou dans les salons africains, les films, séries et feuilletons américains, européens et asiatiques considérés comme étant de meilleure qualité s’emblent s’être taillés la part du lion.

De plus, le piratage des films et séries produits sur le continent limite fortement les revenus des acteurs et producteurs, décourageant un peu plus les investissements dans le secteur. D’après le site d’information « True Africa », qui cite des données de la Banque mondiale, au Nigéria, pour chaque copie légale d’un film qui est vendu, neuf autres sont piratés.

L’Unesco indique par ailleurs que  deux tiers des pays africains estiment qu’au moins 50% des recettes totales sont perdues en raison du piratage. Un tiers des pays évaluant même ces pertes à plus de 75%. Comme autre défis, il faut noter celui du taux de pénétration encore faible du mobile sur le continent (44% en 2018) et d’internet (23% en 2018).

Et enfin,  l’Afrique manque d’infrastructures cinématographiques nécessaires pour la vulgarisation de ses films. Ceci se manifeste surtout par la rareté des salles de cinéma.  D’après l’Unesco, en 2021, on comptait 663 écrans en Afrique du Sud, 237 au Nigéria, 127 en Ethiopie, 80 en Egypte, 77 au Maroc, ou encore 24 dans toute l’Afrique centrale. A titre comparatif, ces chiffres sont de 40 393 écrans aux Etats-Unis, 50 776 en Chine et 11 209 en Inde.

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