Jeanne Belinga, mère d’une famille de huit personnes recherche un magasin où s’offrir des chocolats cette soirée du 20 décembre 2023. Finalement c’est à la boutique Chocol’art située en plein cœur de la capitale camerounaise Yaoundé, au quartier Bastos en face du lieu dit « Résidence du Nigeria » qu’elle va acheter ces pastilles pour sa famille. Pour cette dernière, le chocolat est un produit qui ne manque jamais dans sa maison pendant les fêtes de fin d’année.
Les enfants en raffolent, mon mari lui-même en consomme sans risque. Il y a une très grande variété de chocolats sur le marché aujourd’hui, même pour des personnes à qui la consommation du sucre est prohibée.
Comme elle, nombre de Camerounais s’approvisionnent de ce produit devenu incontournable lors des festivités de fin de d’années. Dans les magasins, des rayons pour des chocolats de Noël sont classés. En outre, de nombreux sites de vente en ligne proposent la livraison de ce produit et de ses dérivés. Le chocolat est aussi largement utilisé en pâtisserie pour la fabrication des viennoiseries et autres produits.
Premier producteur mondial de cacao
L’Afrique est riche en histoire et en culture, notamment en matière de cacao. Ce dernier est une poudre obtenue à partir du broyage de l’amande des fèves de cacao produites par le cacaoyer. Arbre très fréquemment retrouvé dans l’histoire de l’agriculture africaine comme le précise Chococlic.com. Avec plus de 70% de la production mondiale, le continent est le premier exportateur mondial de cacao. Les trois plus grands producteurs mondiaux du secteur sont tous africains à savoir la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Cameroun.
À elle seule, la Côte d’Ivoire représente déjà plus de 43% de la production mondiale de cacao, selon agenceecofin.com. Cependant, comme pour la plupart des matières premières produites par le continent, le cacao africain reste encore largement exporté sous sa forme brute. Cette situation crée d’énormes disparités dans la répartition des revenus générés par l’industrie chocolatière mondiale, à la fois en défaveur des États producteurs et de leurs paysans. Selon une étude coréalisée par la société Barry Callebaut et l’Agence française de développement, la filière cacao qui emploie environ un tiers des habitants de la Côte d’Ivoire et du Ghana, ne fait gagner qu’un peu plus de 1 $ par jour aux producteurs ivoiriens.
Une large variété de cacao
En Afrique, on dénombre une variété de cacao. La plus cultivée s’appelle le Forastero. Ce sont des fèves à l’amertume forte dont a couleur des amandes est violette, presque noire. Elle représente 79% des récoltes. On note aussi le Trinitario. Ce sont des cacaos corsés et longs en bouche qui représentent 20% de la production de cacao. Quant à la variété Criollo, il s’agit de la plus rare puisqu’elle est aujourd’hui la moins cultivée, représentant seulement 1% des récoltes.
Rehausser l’industrie chocolatière en Afrique
Partout dans le contient, des entreprises de transformation du chocolat sortent de terre. Au Togo, Nathalie Kpanté est un entrepreneur qui s’est lancé dans ce business. Co-fondatrice de ChocoTogo, une entreprise togolaise qui travaille dans la transformation du cacao, elle a démarré son aventure avec l’industrie du chocolat en 2013 :
Nous avons été formés en entrepreneuriat agricole. C’est cette formation qui nous a permis de voyager en Italie. Donc c’est de là que le déclic est né.
De retour au pays, elle fait des recherches qui lui révèlent que le cacao du Togo n’était pas transformé, mais plutôt destiné à l’exportation.
C’est ainsi que nous avons décidé de démarrer notre activité avec les moyens de bord. Petit à petit, nous avons acquis des équipements, et nous sommes arrivés là où nous sommes aujourd’hui,
confie-telle à BBC News Afrique. En Côte d’Ivoire, une autre entrepreneure, Viviane Kouamé, a créé sa propre entreprise dénommée Chocovi en 2021. La start up a pour objectif de fabriquer et vendre du chocolat :
Je suis retournée en Italie pour faire une formation sur la transformation, depuis la fève de cacao jusqu’au produit fini. À mon retour, l’aventure chocovi a démarré. Mon but c’est de pouvoir valoriser le Made in Côte d’Ivoire. Des fèves de cacao d’exception…au chocolat d’excellence
a-t-elle confié lors d’un entretien avec Reuters. Aujourd’hui Viviane Kouamé emploie près d’une dizaine de personnes et son unité a su trouver sa place sur le marché concurrentiel et très sélectif du chocolat, aux côtés de coopératives locales. Elle est lauréate du 3ème Concours international des chocolats élaborés à l’origine, édition 2023. Elle détient également trois médailles remportées dont le Gourmet d’Or, la plus haute distinction avec son chocolat lait grué de cacao, le Gourmet d’argent avec son chocolat noir avec adjuvants (vanille) et le Gourmet de Bronze pour son chocolat noir fantaisie, peut on lire sur le site web de l’entreprise chocovi.shop.
Chococam au Cameroun
Dans le pays, l’entreprise Chococam, filiale du Groupe sud-africain Tigerbrands propose une marque de pâte à tartiner chocolatée connue sous le nom de Tartina. Après des tests favorables conduits sur le marché camerounais en 1968, Chococam, sous le Groupe Cacao Barry décide de lancer une pâte à Tartiner qui sera issue de la transformation des fèves de cacao provenant de la société sœur Sic Cacao en 1969.
Elle deviendra ainsi la toute première marque de pâte à tartiner produite localement et distribuée dans des seaux et boîtes en fer. Son succès sur le marché dès ses premières années va conduire à son exportation vers d’autres pays de la sous-région et au-delà. Au début des années 2000, l’entreprise va s’arrimer aux évolutions du marché. En 2009, l’habillage des pots sera en sleeve. En 2017 et 2018, Tartina remporte le prix de la meilleure pâte à tartiner chocolatée au Cameroun (prix de la Focaco). Le portefeuille de Tartina s’est agrandit au fil des années avec l’introduction en 2018 de Tartina 1.2kg, un format familial afin de savourer plus longtemps. Et en 2020, le format hors ménage Tartina 5kg.
Ces dernières années (depuis 2017- 2018), la marque s’est positionnée dans le domaine de la pâtisserie sous le concept de #SaveursGourmandes en partageant des recettes et production de mini vidéo mis en ligne dans la chaîne YouTube. Dans le même pays qui produit près de 300 000 tonnes de cacao par an, Dieudonné Ndeh, un jeune entrepreneur exerce dans la transformation du cacao depuis 2015 et dans la production du chocolat depuis 2019. Sa particularité est qu’il a décidé de transférer son savoir-faire surtout aux femmes, ceci pour des raisons précises :
Les femmes n’avaient pas de sources de revenus. On a eu cette idée de pouvoir leur donner une formation qui pouvait leur permettre de développer une source de revenus. On a parcouru pratiquement 10 localités, 10 zones rurales pour les former à la transformation du cacao, et nous sommes très heureux de voir les résultats,
raconte-t-il au micro de BBC News Afrique.
Du chocolat Faitrade en Afrique du Sud
En Afrique du Sud, la marque de chocolat Cadbury Dairy Milk de Karft Foods est depuis 2011 certifiée Faitrade, d’après agenceecofin.com. Cette tablette est 100% africaine de la matière première à la fabrication, et destinée au marché africain. Le lancement a été supervisé par la Fairtrade Marketing Organization Eastern Africa (Fmoea), l’organisation de commercialisation de Fairtrade en Afrique orientale.
Selon Fairtrade Africa, la montée en puissance des tablettes en chocolat certifiées aurait déjà permis de quadrupler la quantité de cacao du Ghana vendue sous des conditions Fairtrade, les quantités passant de 5000 à 20000 tonnes permettant aux agriculteurs ghanéens d’engranger 2.967.435 USD de primes, précise agenceecofin.com. Produire un chocolat de qualité, c’est le leitmotiv de ces entrepreneurs qui pensent que l’Afrique doit profiter pleinement de ses potentialités.