Selon un rapport réalisé par l’Africa CEO Forum et Okan Partners, 900 millions d’Africains vivront en milieu urbain d’ici 2050. Cette forte densité démographique exacerbera les problèmes de mobilité dans les principales villes du continent. Les pouvoirs publics auront besoin d’environ 100 milliards $ par an pour les résoudre. 60% de la population africaine vivra en milieu urbain d’ici 2050.
Les villes du continent abriteront 900 millions d’habitants contre 600 millions à l’heure actuelle. Cette forte densité démographique augmentera de 600 % les besoins en infrastructures et en services de mobilité urbaine sur la période. Les problèmes liés à la congestion urbaine massive seront exacerbés.
À ce jour, le taux de motorisation en Afrique est encore faible, soit 4 fois inférieur à celui de l’Amérique latine. La marche représente entre 40 et 80 % des trajets journaliers dans les villes. La congestion, telle qu’elle est maintenant, entraîne déjà des pertes de productivité estimées à 8 % du PIB au Ghana.
Avec l’augmentation du nombre des véhicules qui seront achetés, le manque d’espace dans les villes africaines pourrait s’aggraver. Les émissions de carbone liées au transport urbain exploseront elles aussi. En Afrique subsaharienne, elles sont actuellement 5 fois plus élevées qu’en Amérique du Nord.
La cause d’un tel écart entre les deux régions réside dans la prépondérance du transport automobile dans les villes africaines. La pollution de ce secteur tue 30 personnes sur 100 000 en Afrique, posant un véritable problème de santé publique.
L’Afrique a besoin, selon ce rapport de financements annuels compris entre 80 et 100 milliards $ pour résoudre ses problèmes de mobilité urbaine. Face aux multiples défis à relever au cours de la prochaine décennie tels que l’adaptation climatique, le désendettement et la relance économique, les pays du continent n’arrivent pour l’instant à mobiliser que 50 % des fonds nécessaires.
Malgré l’aide des partenaires financiers comme la Banque mondiale, ils restent confrontés à un déficit de l’ordre de 30 à 40 milliards $. La contribution du secteur privé s’avère donc indispensable pour combler ce manque.
Dans le cadre des infrastructures de transport, le secteur privé peut jouer un rôle important à travers des PPP (partenariats public-privés, ndlr) pour permettre au secteur public de se concentrer sur les domaines dans lesquels le secteur privé n’est pas prêt à investir,
de l’avis de Makhtar Diop, directeur général de la Société financière internationale (SFI). Les dirigeants africains devraient quant à eux prioriser les prêts concessionnels à long terme pour le financement des grands projets d’infrastructures. Les auteurs du rapport donnent l’exemple du projet TER Dakar-AIBD au Sénégal. Il s’agit d’une ligne de fer électrique qui reliera la gare de Dakar à l’aéroport international Blaise-Diagne.
Le projet est financé par diverses institutions telles que la Banque africaine de développement (BAD), la Banque islamique de développement (BID), l’Agence française de développement (AFD), etc. Ces dernières ont fourni au Sénégal, un prêt d’une maturité de 25 ans à un taux de 2 %.
En Afrique, 90 % des systèmes de mobilité de masse sont artisanaux et non régulés : minibus, taxis, etc. Il faudra opter pour des moyens plus modernes, plus rentables et moins polluants tels que le métro et le tramway. Le volet temps consistera à élaborer des projets sur le long terme (30 à 40 ans).
Outre les prêts concessionnels, les gouvernements devraient renforcer la mobilisation des recettes tarifaires et augmenter la valeur foncière et immobilière des terrains situés à proximité des infrastructures de transport qui seront réalisées. Les auteurs du rapport préconisent également de privilégier des projets au coût modéré et à forte utilité sociale.
Sur ce point, construire un téléphérique urbain ou un tramway s’avère plus économique que la réalisation d’une ligne de métro. Le kilomètre du tramway se construit en Afrique pour un coût compris entre 30 et 40 millions $. Le métro vaut quant à lui entre 100 et 150 millions $ par kilomètre.
Par ailleurs, les pays doivent recourir aux nouvelles technologies pour simplifier et fluidifier les services de mobilité urbaine dans les villes africaines. Il faudra aussi s’assurer du respect de l’environnement, de la durabilité des infrastructures et de l’implication de la main d’œuvre locale dans la mise en œuvre des différents projets.
Tramway de Casablanca, un succès pour Alstom et la Ratp
Depuis décembre 2012, la première ligne de tramway de la capitale économique du Maroc a été inaugurée. Une ligne de 31 km de long qui devait permettre à Casablanca de sortir quelque peu de l’asphyxie qui caractérise cette ville tentaculaire, dont les seuls transports en commun étaient des bus souvent décatis.
Pourtant, les Casablancais sont partagés entre le bonheur d’avoir un moyen de transport moderne qui transportera 250 000 voyageurs par jour et la crainte des accidents, dont l’un s’est produit pendant les essais. La circulation automobile et des piétons est totalement anarchique. Le Tramway de Casablanca à son lancement, pouvait transporter 600 personnes par rame sur un parcours jalonné de 48 stations entre les quartiers est de Sidi Moumen et de Moulay Rachid et ceux de Hay Hassani et des facultés au sud-ouest de la métropole, en passant par le centre-ville.
Douala : démarrage des travaux de construction d’une ligne de tramway de 18 Km en 2023
Le maire de la ville de Douala, la capitale économique camerounaise, avait en effet annoncé, dans une interview au journal Défis Actuels, le démarrage des travaux de construction du tramway au cours de l’année 2023. « C’est le projet de tramway qui vient de Douala 4ème jusqu’au carrefour Agip.
C’est 18 km », indiquait Roger Mbassa Ndiné. Ce projet présenté par le ministère du Développement urbain et de l’Habitat comme projet pilote, sera mis en œuvre par le consortium belgo-turc Iristone-Ilci. Ces partenaires du gouvernement camerounais avaient déjà annoncé le démarrage des travaux en 2019, pour une livraison prévue en 2021.
En cas de lancement effectif des travaux en 2023, la livraison du chantier est prévue pour 2024. Afin de rendre disponible l’énergie électrique dont le tramway a grand besoin, et qui manque au Cameroun, le projet a intégré la construction d’une centrale électrique autonome dans la zone industrielle de Bonabéri, dans la banlieue de la capitale économique.
Cette infrastructure sera dotée d’une puissance au-delà des besoins d’exploitation du tramway, précise le consortium Iristone/ILCI. Après le Bus Rapid Transit (BRT), dont le démarrage des travaux était annoncé pour l’année 2022 courante, avec le concours financier de la Banque mondiale, le tramway est le 2è projet d’envergure que se prépare à lancer le Cameroun dans la capitale économique, dans l’optique d’améliorer la mobilité urbaine.
Ces deux projets sont d’un grand intérêt pour la ville de Douala, dans laquelle « le réseau de bus est (…) inefficace et représente moins de 1 % des déplacements ». Une réalité qui, à en croire les analystes de la Banque mondiale, contraint les populations à se rabattre sur « la marche, les taxis ou les modes de transport informels tels que les mototaxis, qui restent considérés comme peu sûrs et onéreux. »
Ghana : les études de faisabilité pour la construction d’un tramway à Kumasi annoncées
Le gouvernement du Ghana, représenté par le ministère du Développement des chemins de fer, et un consortium d’entreprises de la République tchèque ont récemment signé un protocole d’accord concernant l’étude de faisabilité relative à la mise en place d’un système de tramway à Kumasi.
Knight Transfer of Technologies a dirigé un consortium de sept sociétés qui se sont rendues au Ghana, pour des études préliminaires et ont identifié Kumasi comme ville prioritaire. L’Etat ghanéen a l’intention de réaliser ce projet dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP). La Czech Export Guarantee and Insurance Corporation et la Czech Export Bank ont déjà manifesté leur intérêt pour son financement. Pour ce qui est de la capitale Accra, le projet de tramway est plutôt à un stade avancé.
En novembre 2018, Joe Ghartey, le ministre ghanéen du Développement des chemins de fer, a conclu, à Johannesburg, un protocole d’accord avec un consortium basé en Afrique du Sud, Sky Investment, d’Africa Investment (AI), pour la construction d’un système de tramway dans la capitale. Ce projet dont le coût est évalué à 2,6 milliards de dollars devait en principe débuter en 2020.
Alstom : leader-constructeur dans le transport de masse en Afrique
Selon le journal Jeune Afrique, 13 millions de passagers 09 mois après la mise en service commerciale, le 18 février 2022, en dépit des controverses, le TER de Dakar et ses 15 trains Alstom Regiolis révolutionnent la mobilité de la capitale sénégalaise.
Dans ce projet de 36 kilomètres à 1 milliard d’euros, piloté par l’agence publique Apix, le matériel roulant ne pèse qu’une faible part, 10 % environ financés par un prêt du Trésor français. Mais l’infrastructure, bientôt étendue de 19 km vers l’aéroport AIBD (dotée de 7 trains supplémentaires), fait figure de référence pour Alstom et l’avenir des transports urbains en Afrique.
Tout comme pour le futur métro aérien d’Abidjan, Alstom fournira 20 trains Métropolis, la signalisation et l’intégration système sur ce projet à 1,3 milliard d’euros, réalisé notamment par Bouygues et Colas. Longtemps immobilisé du fait des « déguerpissements », le chantier s’accélère. Et Olivier Becht, ministre français délégué au Commerce extérieur, a signé le 28 octobre 2022 avec Adama Coulibaly, ministre ivoirien de l’Économie, un prêt de 250 millions d’euros pour le financement du matériel roulant et l’ingénierie.
L’exemple de ces deux capitales, qui s’ajoutent à nos réalisations en Afrique du Nord et en Afrique du Sud, est scruté dans toute la région et au-delà. La mobilité propre est un enjeu majeur pour les métropoles africaines, et Alstom considère avoir une responsabilité particulière en la matière,
soutient le Sénégalais Mama Sougoufara, qui dirige la région MENAT (Middle East, North Africa & Turkey) du constructeur.
Avant Dakar et Abidjan, Alstom a accumulé les succès en Afrique ces dernières années, sans compter l’ajout des contrats de Bombardier, acquis au début de 2021. Au Maroc, les tramways Citadis Alstom équipent les quatre lignes de Casablanca (lignes 3 et 4 remportées fin 2020) et les deux de Rabat, où Alstom se tient prêt pour une extension.
Dans le royaume chérifien toujours, le TGV Al Boraq Tanger-Casablanca, avec ses 12 EuroDuplex, fait figure de référence africaine de la grande vitesse, alors que l’ONCF a tout juste lancé les études pour l’extension vers Marrakech.
En Égypte, le groupe vient de se voir attribuer, toujours sur financement français, la modernisation pour 876 millions d’euros de la ligne 1 du métro du Caire, et est bien placé pour la future ligne 6. Si Alstom a laissé passer le méga projet à grande vitesse, remporté par l’allemand Siemens en mai, il conduit dans ce pays un projet majeur hérité de Bombardier : le monorail du Caire en phase d’essais. Ce chantier de 4,5 milliards de dollars, dont le génie civil est réalisé par Orascom et Arab Contractors, comprend aussi l’exploitation par Alstom pour 30 ans.
À cela s’ajoutent de nombreux tramways en Algérie (Alger, Oran, Constantine, Ouargla, Sétif, Sidi Bel Abbès et Mostaganem) et deux énormes contrats sud-africains. Plus anciens, ces derniers sont toujours en phase de réalisation, que ce soit les trains urbains pour la Passenger Rail Agency of South Africa (Prasa) ou les locomotives de fret Traxx pour l’office public Transnet. Des contrats qui ont conduit à un développement industriel africain sans équivalent.
La particularité d’Alstom, à la différence de concurrents comme le chinois CRRC ou Siemens, est que le français ne se contente pas de vendre, mais qu’il est aussi devenu le premier fabricant du continent. Cette empreinte industrielle s’appuie sur trois pays.
Au Maroc, son usine de Fès lancée en 2011 avec Nexans (sorti depuis) était une simple unité de câblage. Avec plus de 500 employés et un investissement en cours de 10,5 millions d’euros, le site se mue en usine de composants électrotechniques. Alstom commence à y fabriquer des transformateurs de moyenne puissance pour ses métros, ses tramways ou ses trains régionaux partout dans le monde.
En Algérie, les contrats se sont accompagnés de la création de Cital, une coentreprise dont Alstom détient 49 % qui assure depuis 2015 l’assemblage des tramways avec environ 250 personnes. Troisième pôle, le plus important : l’Afrique du Sud. Alstom y a constitué un écosystème de cinq joint-ventures et filiales d’environ 2 000 salariés.
Ce pôle est né après qu’Alstom a remporté, en 2014, un appel d’offres de Prasa pour 600 trains périurbains X’Trapolis, le plus gros contrat de l’histoire du groupe avec 4 milliards d’euros. Ce qui a entraîné notamment la constitution de la JV Gibela (Alstom 70 %, Ubumbano Rail 30 %) et la construction d’une usine de 6 ha près de Johannesburg.
Le contrat Prasa prévoit une part très importante de contenu local qui conduit le groupe à s’intégrer industriellement et à développer un réseau de fournisseurs.
C’est un travail de longue haleine. Nous approchons l’objectif fixé de 70 % [de part locale] par des partenariats ou des investissements,
indique Bernard Peille, directeur pour l’Afrique australe. En ce sens, en septembre, Alstom a acquis l’usine TMH Africa (105 salariés), qui fabrique des caisses de train.