La pomme de terre (Solanum tuberosum) est la troisième culture vivrière la plus consommée au monde après le riz et le blé. Ayant une résistance naturelle aux ravageurs, aux maladies et aussi aux conditions climatiques, la croissance des zones de production de la pomme de terre à rapidement surclassé toutes les autres cultures vivrières dans les pays en développement pour devenir un élément fondamental de la sécurité alimentaire pour des millions de personnes en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie.
Ce qui revient à dire que plus d’un milliard de personnes sur terre mangent de la pomme de terre car, contrairement aux autres cultures vivrières, celle-ci à l’avantage d’un stockage facile, d’un rendement élevé, d’une faible exigence de plantation, mais aussi d’une vaste zone de plantation et d’une valeur nutritive élevée. Ces atouts font de la pomme de terre une culture adaptée dans l’industrie des aliments à transformer.
La production africaine de la pomme de terre
La pomme de terre est arrivée tardivement en Afrique, environ au tournant du XXe siècle. Ces dernières années, selon les données officielles de la Food and Agriculture Organization (Fao), la production n’a cessé d’augmenter, passant de 16,7 millions de tonnes en 2007 au chiffre record de 26,23 millions de tonnes en 2019. Les systèmes de production sont très diversifiés.
On passe, en effet, de grandes exploitations industrielles, mécanisées et irriguées dans des zones montagneuses densément peuplées (Afrique du Sud, Cameroun, Kenya, Nigeria et Rwanda), à de petites fermes irriguées en Afrique de l’Ouest où la pomme de terre reste un légume à haute valeur ajoutée. La pomme de terre fait aussi bien l’objet d’une culture irriguée dans des exploitations à orientation commerciale d’Égypte et d’Afrique du Sud que d’une culture intensive dans les régions montagneuses tropicales de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique centrale, pratiquée surtout par de petits exploitants.
Une rétrospective sur les sept dernières années montre que la production de pomme de terre en Afrique a connu une tendance haussière. Cette production est largement dominée par les pays de l’Afrique septentrionale qui assuraient 49% de la production en 2020.
En Algérie, si l’on observe les bilans de 2019 publiés par le ministère algérien de l’Agriculture et du Développement rural, la production de la pomme de terre dans ce pays d’Afrique du Nord avoisinait annuellement les 50 millions de quintaux (Mq), pour une valeur financière de près de 250 millions de dinars. Un niveau de production et des rendements oscillant entre 200 et 250 q/ha, la production de la pomme de terre a quasiment quadruplé depuis le lancement des premiers plans de soutien à l’agriculture au début des années 2000.
Les rendements quant à eux sont généralement restés entre 150 et 250 q/ha, à en croire les données du Service des statistiques de la Fao (Faostat), pour une moyenne mondiale de 400q/ha. En revanche, les surfaces ont été multipliés dépassant en 2019 les 100.000 ha.
Les producteurs d’Afrique du Nord ont intégré les systèmes de production des pays du Nord et exportent sur le marché européen. L’Égypte est le plus grand producteur du continent avec une production de 5,22 millions de tonnes en 2020 ; suivi par l’Algérie (4,66 millions) et l’Afrique du Sud (2,56 millions).
L’Afrique du Sud reste cependant le pays africain où le rendement est le plus important : 37,32 tonnes à l’hectare en 2020 alors qu’il est de 31,17 tonnes à l’hectare en Algérie, 29,20 en Égypte, la Guinée 20,85 et seulement de 16,46 au Cameroun, quinzième producteur africain. La production marocaine de 1,70 million de tonnes en 2020 ne vient qu’en cinquième position.
En Afrique de l’Est et du Centre, la production est assurée par de petits exploitants avec des organisations nationales qui se mettent en place et qui permettent à la pomme de terre de prendre progressivement le pas sur les céréales. Dans ces régions respectives, le Kenya (1,86 million de tonnes) et le Cameroun (354 404 tonnes) sont les plus gros producteurs.
En Afrique de l’Ouest, où le boom se fait encore attendre, le Nigeria se distingue par la plus forte production : 1,20 million de tonnes bien loin devant le Sénégal qui n’en produit que 147 985 tonnes. Les producteurs de cette région ont aussi un rendement nettement inférieur à ceux des grands producteurs du continent. Il est de 3 à 9 tonnes à l’hectare, seule la Guinée se distingue avec un rendement de 20 tonnes à l’hectare, mais une superficie récoltée modeste par rapport à celle du Nigeria et de l’Égypte.
L’Égypte, l’Algérie, l’Afrique du Sud, le Kenya, le Maroc et le Malawi totalisent près des deux tiers de la production africaine. Cependant, le nombre de pays produisant de la pomme de terre ne cesse d’augmenter. À ce jour, on dénombre 42 pays contre 34 en 2005.
D’après la Direction des enquêtes et des études statistiques (Desa), le ministère camerounais de l’Agriculture et du Développement Rural (Minader) a distribué en 2019, 1 027 tonnes de semences certifiées de pommes de terre aux producteurs.
Ainsi, les producteurs de semences certifiées peuvent alors vendre directement aux producteurs de pommes de terre de consommation ces semences, car la forte demande en particulier de la part des grands producteurs et de ceux organisés en coopératives, booste le marché des semences qui est organisé au niveau local ou régional et fonctionne sur la base d’interactions informelles et ponctuelles. Il convient de noter que le Minader a importé 455 tonnes de semences de pommes de terre entre 2011 et 2014, ce qui a amené des organismes internationaux tels que Giz, ProCisa, ou le Centre international de pommes de terre (Cip) à appuyer les semenciers afin d’atteindre une production annuelle de 5000 tonnes de semences.
D’après les données collectées auprès du Programme d’appui au développement des racines et tubercules (Padrt), 252 tonnes de pommes de terre ont été importées au Cameroun de 2020 à 2021 soit 104 tonnes en 2020 et 148 tonnes en 2021. En 2022, 76 tonnes de semences et 100 vitro plants de la variété Cipira avaient été importés au moment de l’étude. Selon la Faostat (2022), les quantités de farine de pomme de terre importées au Cameroun sont de l’ordre d’une tonne pour l’année 2020, pour une valeur totale de 42 000 dollars américains. La consommation de cette farine est donc assez faible dans le pays.
Quant aux importations de pommes de terre de consommation elles s’élèvent à 300 tonnes pour la même année, tandis que dans le même temps 5 tonnes ont été exportées. Pour la période considérée, le Cameroun a déboursé 206000 dollars américains, selon la Fao, pour l’activité d’importation visant à combler le déficit de production.
Cette production de pomme de terre au Cameroun s’élève à 354 404 tonnes pour 2020. L’on remarque de ce fait que la production des pommes de terre est croissante en Afrique, puisque le Cameroun, occupe le 15e rang de ce classement, avec une production de 354 404 tonnes en 2020 et est devancé par l’Égypte, l’Algérie et l’Afrique du Sud qui ont des niveaux de production supérieurs à deux millions de tonnes métriques par an, à en croire les données de la Fao.
La production au niveau mondial
La Chine est actuellement le plus grand producteur mondial de pommes de terre, si l’on se base sur les données statistiques de la Fao (Faostat). La production de pommes de terre dans ce pays a été signalée en 2019 à 75.657 850 tonnes métriques et est passée à 78 236 596 tonnes métriques en 2020.
Tout comme la superficie récoltée s’élevait à 4 038 885 ha en 2019 pour atteindre une augmentation en 2020 de 4 218 188 ha.
Alors que le Bangladesh, l’Inde et la République islamique d’Iran figurent aujourd’hui parmi les principaux consommateurs, il n’est pas exclu que l’Inde soit aussi l’un des plus grands producteurs de pommes de terre au monde après la Chine.
S’appuyant sur des chiffres statistiques récents, un rapport de la FAO intitulé « Éclairage sur un trésor enfoui », révèle que la pomme de terre est la principale culture non céréalière de la planète, sa production ayant atteint le niveau record de 325 millions de tonnes en 2007, Plus de la moitié de la récolte mondiale de pommes de terre est produite dans les pays en développement.
La carte du commerce international de 2020 place la France, l’Allemagne, la Chine, les Pays-Bas, le Canada et les Etats-Unis comme étant les plus grands pays exportateurs de pommes de terre fraîche au monde en 2020, à en croire Mondor Intelligence.
La même carte du commerce international a également reconnu que la Chine, l’Inde, la Russie, les Etats-Unis et l’Allemagne étaient les plus grands producteurs de pommes de terre au monde en 2020, avec des rendements s’élevant respectivement à 78,2 millions de tonnes métriques pour la Chine, 51,3 millions de tonnes métriques pour l’Inde, 19,6 millions de tonnes métriques pour la Russie, 18,8 millions de tonnes métriques pour les Etats-Unis et 11,7 millions de tonnes métriques pour l’Allemagne.
Préférence des consommateurs urbains et ruraux
En Afrique, dans des régions productrices de pommes de terre, c’est la pomme de terre bouillie dans de l’eau qui domine la consommation notamment en milieu rural. Dans ces zones, les consommateurs préfèrent une pomme de terre farineuse et les petits tubercules sont souvent utilisés comme semences tandis que les moyens tubercules sont consommés directement dans les ménages quand les grands tubercules sont eux vendus dans les marchés locaux.
Les pommes frites sont alors moins populaires en milieu rural, puisque la préparation coûte cher à cause de la nécessité d’huile de friture, d’où la rareté des pommes chips dans ces zones. Par contre qu’en milieu urbain, les consommateurs n’ont pas de préférence particulière en termes de préparation de pommes de terre. Qu’elles soient cuites à la vapeur ou à l’huile, ou encore sous forme de chips, la consommation ne pose aucun problème.
Forte demande pour l’industrie de transformation
Les pommes de terre sont utilisées à diverses fins en dehors du rôle premier qui est celui de la consommation dans la cuisine comme légume. De ce fait, moins de 50% des pommes de terre cultivées dans le monde sont consommées fraîches. Le reste, étant transformé en produits alimentaires et ingrédients alimentaires est donné aux bovins, poulets, et porcs.
Ainsi, le chip de pomme de terre, un autre produit transformé, domine le marché des grignotines dans le monde, en dehors des pommes surgelées et autres frites de ce légume qui sont servies dans les restaurants et chaines de restauration rapide du monde entier.
Les pommes de terre utilisées pour la transformation aux Etats-Unis ont atteint 14 millions de tonnes métriques, une légère augmentation par rapport à 2020, selon Mordor Intelligence. La même source précise que 3 millions de tonnes métriques de pommes de terre en augmentation de 2% par rapport à 2019, était utilisée pour des croustilles et les petits pains en 2020.
De même, ladite source avance que les frites et autres produits surgelés ont utilisé 8,6 millions de tonnes métriques de pommes de terre crues en 2020, soit une augmentation de 2% par rapport à 2018. À titre d’exemple, Frito Lay était le plus grand fournisseur de chips aux Etats-Unis en 2020, avec des ventes de plus de 4,8 milliards $.
En réalité, la pomme de terre a fait naître dans les pays et régions de grande production une importante industrie de transformation qui produit des frites, des chips, des flocons déshydratés avec un bon nombre de préparations surgelées. L’amidon de cette plante peut remplacer la farine et être employé comme épaississant dans des sauces et servir dans la fabrication des biscottes.
La pomme de terre peut aussi être utilisée à des fins non alimentaires, notamment dans la préparation de certains médicaments, du rouge à lèvres, des couches pour bébés, mais aussi dans la poterie, le textile et le contreplaqué. Traitée à de l’eau chaude, l’amidon issu de la pomme de terre entre dans la confection du caoutchouc et le glaçage du papier photo. Depuis 2007, on peut même utiliser la fécule de la pomme de terre afin de produire des matières plastiques biodégradables, ainsi qu’un produit de lutte contre les feux de forêt,
a éclairé Michel Caron, ingénieur agronome dans un dossier intitulé « L’industrie de la pomme de terre : frites, chips et OGM, » publié sur le site web www.futura-sciences.com.
D’après l’auteur, des études menées en 2020 aux Etats-Unis ont aussi montré la possibilité d’utiliser une pomme de terre génétiquement modifiée comme vaccin capable de déclencher chez l’Homme une réponse immunitaire au virus de Norwalk, responsable de certaines formes de gastro-entérites.
Au Cameroun, la transformation de la pomme de terre relève essentiellement du pré pelage et se fait dans les restaurants (transformation des chips/frites), sur les marchés locaux et par les vendeurs ambulants (frites, pilé).
Des produits transformés de la pomme de terre ont également été observés dans les grandes surfaces, notamment les pommes surgelées et les « Pringles », qui sont majoritairement importés. La transformation artisanale de pomme de terre en amidon a également été observée dans l’Adamaoua.
La transformation industrielle locale n’est pas encore assez développée. Cependant, on note un engouement et une naissance ces dernières années de quelques acteurs de la transformation industrielle malgré les moyens limités comme l’entreprise Jet Food située dans la ville de Yaoundé qui offre des frites de pomme de terre vendues dans des emballages en différents grammages.
Outre la transformation des pommes de terre en produits alimentaires, elle peut aussi servir dans la fabrication des produits cosmétiques dans les petites unités de transformation camerounaise. C’est le cas de l’entreprise Nou’Nyanga, dont la promotrice, Dr Avoa Mebenga a pris l’initiative de transformer la pomme de terre en savon d’après une Enquête de terrain réalisée par Dev solution en 2022.
La même source précise que le savon produit par cette petite entreprise coûte 1000Fcfa l’unité et la production se fait progressivement en fonction de l’écoulement du stock, une production qui avoisine 25 savons par semaine.